de Gondar et du Daûibya, sur la rive occidentale du lac
Tsana. Pour nous faire honneur, le Dedjadj Conefo
nous adjoignit une soixantaine de cavaliers et trois
cents hommes de pied, qui marchaient en avant-garde
et bouleversaient les villages par leur indiscipline.
En traversant le Dambya, je pus juger de la fertilité
proverbiale de cette province. Le pays est peu accidenté,
presque sans arbres ; sa terre noire, profondément
crevassée pendant l’été, était littéralement couverte
de moissons. Les fièvres y sont endémiques dans
plusieurs localités; les chevaux ne s’y propagent pas;
ils y sont même très-sujets à une espèce de farcin, mais
la population abonde. Comme dans les Kouallas, les
hommes y sont dé taille- plutôt petite, souples, actifs,
colères et portés à la guerre ; ils vivent dans des hameaux
épars çà et là, ce qui indique tout à la fois la
sécurité et l’abondance.
Le deuxième jour, nous arrivâmes à Ysmala, petite
ville dont l’église jouit d’un droit d’asile assez respecté.
Nous fûmes reçus par le principal notable, qui mit,
d’autant plus d’empressement à nous héberger qu’il
entretenait avec le Dedjadj Guoscho des relations'umi-
cales.
J’avais demandé à loger seul dans une petite hutte,
etjesoupais, lorsque j’entendis un grand tapage chez
notre hôte, où le Lidj Dori et son monde festinaient, J’y
trouvai tout en tumulte ; des soldats, brandissant la
javeline ou le sabre, débitaient avec frénésie leurs
thèmes de guerre; de grandes cornes d’hydromel cir-
culaient dans l’assemblée. Mon drogman m’apprit que
le lendemain nous aurions probablement à combattre
un vassal rebelle du Dedjadj Guoscho, nommé Aceni-
Deureusse. Des espions envoyés par notre hôte venaient
d’annoncer qu’Aceni, embusqué sûr notre
route, comptait enlever le Lidj Dori, afin de traiter
plus avantageusement avec son suzerain.
L’idée d’avoir le spectacle d’un combat ne m’étant
pas trop désagréable, je recommandai de me réveiller
avant le boute-selle. Mais quand je rouvris les yeux, il
faisait grand jour, et tout était calme, On me dit
qu’Ymer-Goualou, chef de notre escorte, avait décidé
délaisser le jeune Prince dans l’asile, pour le soustraire
aux chances du combat, et que, pour ne point encourir
à mon sujet les reproches du Dedjadj Guoscho, il avait
enjoint à mon drogman, peu soucieux, du reste, de
tenter l’aventure, de me cacher le moment du départ.
Bien que flatté de l’importance qu’on attachait à ma
conservation, je regrettai d’avoir dormi si conscien-
ôieusement. Nos gens étaient partis sans bruit avant
le chant du coq, et l’on commençait à s’inquiéter sur
leur sort.
Enfin, vers onze heures du matin, un cavalier, hors
d’haleine, vint nous annoncer la victoire. Ymer-Goualou
s’était personnellement distingué;’ nos gens avaient
peu souffert; après un combat de peu de durée, Aceni
était parvenu à se «dégager et à opérer sa retraite,
laissant aux mains des nôtres environ quatre cents
prisonniers.
Pour célébrer dignement ce succès, les habitants,
qui la veille criaient. famine, surent trouver comestibles,
bouza et hydromel à profusion.
Des cavaliers arrivèrent successivement : leurs
javelines tortuées; leurs arçons garnis de ceintures, de
pèlerines et de boucliers attestaient leurs exploits; quelques
uns avaient appendu au frontal de leurs chevaux
d’affreuses dépouilles humaines.
Les Éthiopiens, très-humains à la guerre, ont
cependant l’habitude de pratiquer l’éviration sur