tiens et heureux, sans plus intervenir dans les affaires
des autres nations. Les pèlerins nous apprenaient que
les peuples s’entre-détruisaient autour de la ville de
Constantin, où régnaient les Empereurs de Rome. )>
S'il faut en croire ces traditionnistes, c’est le Bas-
Empire qui aurait inoculé à l’Ëthiopie ïe principe
de sa décadence. Des lettrés revenus de Jérusalem et
de Bysance étonnèrent le clergé indigène par les
subtilités théologiques des Grecs. Ils éblouirent
les Atsés par la description des splendeurs et
de la toute-puissance des Césars byzantins, et leur
inspirèrent l’ambition de les prendre pour modèles.
Les Atsés, envoyèrent des hommes savants à
Alexandrie dont ils reconnaissaient la suprématie
spirituelle, pour y étudier les lois du Bas-Empire.
Ces hommes en rapportèrent un recueil composé.
des Pandectes, des Institutes de Justinien et
d’une Pragmatique Sanction altérée, dit-on, par les
Cophtes, en vue de justifier la suprématie de leur
siège patriarcal. Ce recueil, traduit en langue guez,
ou langue sacrée, donna naissance à une classe
d’hommes nécessaires à l’interprétation des textes.
Ils se recrutèrent parmi les clercs qu’effrayaient les
obligations de la vie cléricale proprement dite,, et
qu’attiraient la faveur du prince et les bénéfices résultant
de leurs fonctions d’organes de la loi.
Pour mettre en oeuvre , ce nouveau code, les Atsés
augmentèrent d’abord le nombre restreint de troupes
personnelles que les- us leur permettaient d’entretenir.
Ils séduisirent les Likaontes et les AzZages, ces premiers
intéressés à l’accroissement de la puissance impériale,
et se concilièrent le clergé d’autant plus aisément
que les docteurs de la loi nouvelle sortaient de son
sein;
Toujours d’après la tradition, ces conspirateurs
contre les libertés nationales commencèrent à étendre
la juridiction des Atsés, en empiétant adroitement
sur le droit de justice, qui appartenait encore
à tous. Quelques révoltes partielles éclatèrent; l’Atsé
put les étouffer. Mais il fallait rompre l’accord existant
ëntre l’aristocratie et les communes : afin de les
désunir, l’Atsé chercha à gagner les Dedjazmatchs et
autres grands commandants militaires. Ils relevaient, il
est Vrai, de son investiture confirmative, mais- depuis
une époque reculée, ils devaient être choisis parmi
les membres de certaines familles, pour lesquelles ces
charges militaires constituaient un privilège.
Il prolongea d’année en année leurs pouvoirs, qui
n’étaient que temporaires, et dont tous les ans il renouvelait
l’investiture, lorsqu’à la fête de l’Invention
de la Croix, les troupes des provinces venaient défiler
devant lui. Bientôt il leur permit de s’entourer, comme
lui, de gardes, èt d’entretenir des troupes permanentes;
il leur conféra, comme à ses représentants
judiciaires, le droit de justice criminelle dans le
ressort de leurs commandements ; et dès lors il eut
des alliés d’un bout à l’autre de l’Empire. De paternelle
qu’elle était à l’origine, la puissance souveraine
était devenue ennemie de la nation.
A l’exemple de ^ ’Empereur, les Dedjazmatchs et
autres grands Polémarques eurent chacun une cour
et des clercs qui les aidèrent a absorber les juridictions,
en démontrant, par leurs interprétations subtiles
et captieuses, que tout droit de juger découlait
de l’Atsé. Comme les Atsés, ils attirèrent la noblesse
à leurs cours, encouragèrent ses désordres et favorisant
tantôt les plaintes des communes contre leurs
seigneurs, tantôt les plaintes des seigneurs contre