cinquantaine de chevaux et beaucoup de denrées, je
lui fis observer qu’à ce compte, nous n’aurions
bientôt plus d’ennemis contre qui faire campagne.
— Malgré leur air rustique, me dit-il, ces Gallas
sont plus fins que tu ne crois : ils n’aspirent * qu’à
nous déposséder même du Gojam; mais heureusement
des rivalités souvent sanglantes les occupent
chez eux. Afin de découvrir mes projets, plusieurs
de ces envoyés me proposent de m’aider à ravager
les districts voisins des leurs, et une fois chez eux,
tous se ligueront contre nous.
Le Dedjadj Guoscho était le seul prince chrétien,
qui, depuis la chute de l’Empire, ait su prendre quelque
ascendant sur les Gallas établis au Sud de l’Abbaïe.
C’est, comme on . l’a vu déjà, à l’époque de la décadence
de l’Empire, que le peuple Galla ou plutôt II-
morma signale pour la première fois son existence, en
pénétrant par les frontières Est et Sud de l’Éthiopie
chrétienne. Sa marche est bientôt arrêtée au. Nord
et Nord-Est, par les obstacles que présentent le Bóchelo
et l’Abbaïe à l’extrémité de la presqu’île du
Gojam; contournant ce dernier obstacle, il envahit
tout le grand Damote, vaste province de l’Empire
située au Sud et Sud-Est de l’Abbaïe et comprenant
jusqu’à l’Innarya. Mais en s’établissant sur ces riches
territoires, ces conquérants se sont fractionnés en
petites républiques patriarcales. Leur élan général
de conquête s’est aihsi perdu, et leur énergie s’est
consumée depuis lors en guerres intestines, dans les
intervalles desquelles, comme par un retour aux
idées de conquête de leurs pères, ils n’ont cessé de
traverser l’Abbaïe en petites troupes, pour tuer,
incendier, piller et fuir avec leur butin. Les communes
des frontières chrétiennes ont répondu à ces
incursions par des incursions analogues, mais le
plus souvent elles ont eu le dessous, parce qu’elles
ne jouissaient pas d’autant d’initiative politique que
les communes Gallas, et que d’ailleurs elles se trouvaient
dans l’obligation d’envoyer leurs hommes
auprès de leurs seigneurs engagés dans les guerres
civiles qui désolaient l’Empire. Cet état de choses
amena une dépopulation rapide en Damote et en
Gojam. Les Polémarques de ces provinces marchèrent
quelquefois contre les Gallas à la tête de leurs
armées, mais les résultats furent d’accroître plutôt que
d’amoindrir l’ascendant de leurs ennemis. Pour remédier
à ces maux, les derniers Empereurs attirèrent,
par des concessions territoriales et des franchises
commerciales, un nombre considérable de colons
gallas; des districts entiers furent ainsi repeuplés,
entre autres, celui du Metcha qui était, dit-on,
presque désert. Tous ces colons embrassèrent le
christianisme, et s’identifièrent tellement aux intérêts
de leur patrie adoptive, qu’ils reprirent qvec acharnement,
contre les Gallas la guerre de frontières.
Quelques-uns entretinrent néanmoins, de loin en
loin, des relations avec leurs anciens compatriotes,
ou prirent leurs filles en mariage. Parmi les familles
qui conservèrent ainsi leurs traditions originelles,
on comptait celle de Zaoudé, originaire des
Gallas Amourous et établie dans le Damote*
Ce Zaoudé, qui avait acquis une grande réputa^
tion de bravoure dans les guerres de frontières, se
rebella contre le Dedjazmàtch du Damote, à l’occasion
de quelque déni de justice. Il attira autour de,
lui, par ses largesses, les déserteurs, les insoumis,
les mécontents de toute espèce, et ayant battu les