fugier pour quelques jours dans les églises les moins
fréquentées; en tout temps d’ailleurs, on voit en ville
beaucoup de moines mendiants et gyrovagues.
La ville de Gondar, grâce à sa situation centrale,
à la présence des deux plus grands digni- ^
taires de l’Église d’Éthiopie, grâce aux lumières et
à la prépondérance de son clergé, à sa vigilance à
maintenir son droit d’asile, à ses deux marchés
hebdomadaires, à son commerce, à ses diverses industries
et enfin à la puissance de la tradition, se
maintient, depuis l’abaissement du pouvoir impérial,
comme une sorte de terrain neutre où les hommes
de tous les partis se rencontrent, et quoique les arbitres
de l’état politique n’y résident plus, elle n’en
reste pas moins moralement la véritable capitale
de l’Éthiopie. La population, que Bruce évaluait à
30,000 âmes, est aujourd’hui de 11 à 13,000; en
temps de trouble, cette population s’accroît de réfugiés
dans la proportion d’un tiers environ. Comme
la ville est assise sur un terrain d’une altitude
moyenne, situé entre les basses terres et les hauts
plateaux, on y jouit d’une température assez douce
dont la moyenne est de 20° centigrades.
En arrivant en pays étranger, le voyageur est
tout d’abord impressionné par la nouveauté des
choses extérieures. Malgré leur vivacité, ces sensations
s’atténuent d’ordinaire et s’effacent peu à peu,
surtout s’il séjourne et pratique lui-même les moeurs
nouvelles; et c’est en fixant et en coordonnant ces
premières impressions avec les observations qu’il
aura faites dans la suite, qu’il arrivera à déterminer
le mieux la véritable physionomie du peuple
qu’il étudie. Les allures de la population gonda-
rienne saisissent de prime abord par leur caractère.
biblique; elle apparaît ce qu’elle est en réalité :
impressionnable, hasardeuse, nonchalante, vaniteuse,
légère parfois, factieuse, pleine d’humour, et presque
toujours avenante et charitable.
Le matin, elle est réveillée par les chants religieux;
dans chaque église, il ne se dit qu’une messe ; elle est
chantée et commence bien avant le jour. Dès cette
heure, les affligés et les dévots courent à l’office; les
autres n’y vont qu’au moment de la consécration : au
soleil levant. Les jours de fête, les fidèles visitent plusieurs
églises, surtout celle de Saint Tekla-Haïma-
note, qui possède les reliques vénérées de ce saint.
L’horizon s’éclaire à peine, que tous, aux portes,
dans les rues et aux carrefours, échangent le salut
du matin. Les travaux et les affaires commencent
partout; les voyageurs, les soldats de passage se
mettent en route; les pâtureurs, au pied des collines,
réunissent les vaches, les veaux et les bêtes de
somme qu’on voit dévaler dans toutes les directions ;
des femmes et des jeunes filles, munies d’amphores,
descendent ça et là, en babillant, puiser de
l’eau au Kaha et à l’Angareb, où sont déjà établis
des hommes à demi-nus, lavant leurs toges et celles
de leur famille, en les piétenant dans l’eau. Sur la
place du marché, les acheteurs assiègent l’étal des
bouchers, les chiens se hargnent autour, au-dessus
plane une volée d’éperviers guettant l’occasion de
happer quelque lambeau de viande; des enfants,
encore engourdis de sommeil, se rendent à l’école;
les oisifs, les nouvellistes- de profession, groupés aux
carrefours, épluchent déjà les nouvelles, brocardent
les passants pu bien confèrent d’un .air de mystère,
selon que les temps leur paraissent calmes ou difficiles.