pays, semblent perdre leur énergie dès qu’ils s’en
éloignent. Le Dedjadj Guoscho me disait que, quel
que fût leur nombre, il comptait peu sur eux; du
reste, leurs antécédents sont tels que, même sur le
champ de bataille, on n’est pas assuré de leur concours
: le Dedjadj Zaoudé, père du Dedjadj Guoscho,
s’étant laissé entraîner par eux dans une guerre qui
les concernait, les vit, au commencement d’une bataille,
passer à l’ennemi au nombre de plus de
5,000 cavaliers. Enfin, le s Àgaws, très-fidèles aux
engagements pris entre eux, ne se regardent pas
comme liés par ceux qu’ils prennent envers les étrangers,
et ils' témoignent en tout par leur conduite à
l’égard de leurs voisins du Metcha, du. Damote et
du Dambya, d’une incompatibilité qui justifie la tradition
d’après laquelle ils seraient un peuple aütoch-
thone, dépossédé par les races qui prévalent aujourd’hui
en Ethiopie.
Après six étapes fort courtes, nous débouchâmes,
par le col de Dinguil-Bemy dans un pays ouvert. On
disait que le Lidj. lima ' s’avauçait contre nous. De
plus, les paysans se montrant hostiles à nos traînards
et à nos éclaireurs, nous dûmes mettre un
peu d’ordre dans notre marche; car, bien que moins
encombrés de femmes et de bagages que durant la
campagne contre les Gallas, nous l’étions encore
assez pour qu’un petit corps de Cavalerie bien conduit
pût nous mettre en déroute. Le Dedjazmatch
se contenta de former une tête de colonne consistant
en 2,500 à. 3,000 hommes, en tenue de combat,
et Birro, au lieu de nous précéder de plusieurs milles,
ne marcha plus qu’à quelques centaines de mètres en
avant.
Nous arrivâmes ainsi à la petite ville d’Ismala, dans
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DANS.LA HAUTE-ÉTHIOP1E. 42b
l’Atchefer. La nuit, le pays environnant parut tout
constellé des feux que chaque habitant allume devant
sa demeure à l’occasion de la Mtxskcil, ou fête de
l’invention de la Croix. Les Éthiopiens la placent
au 17 du^ mois de meuskeurreum, date qui correspond
à un jour variable de notre, mois de septembre.
Les circonstances où nous nous trouvions
rendaient doublement opportune la grande revue que
les 'chefs importants ont coutume de passer à cette
époque.
Il est d’usage qu’à la Maskal les vassaux fassent
défiler leurs soldats, sous les yeux-du seigneur auquel
ils doivent le service militaire. Ils mettent de
l’émulation à paraître avec le plus de monde et le
meilleur équipement possible, afin de lui .prouver
que, loin de thésauriser, ils emploient leurs revenus
à entretenir des soldats. Souvent ils font figurer des
passe-volants, ou soldats d’emprunt, rappelant ainsi
les supercheries analogues pratiquées par les barons
européens au moyen âge.
Le Dedjazmatch, en habit de gala, s’établit en
dehors du camp sur un tertre, ou 1 attendait un
alga; son servant d’armes, le palefrenier qui tenait
son cheval, deux huissiers, une quinzaine de pages
et moi formions seuls son entourage, tous ceux qui
l’accompagnaient habituellement s’apprêtant a figurer
dans la revue. Ymer- Sahalou, chef de notre avant-
garde, parut le premier sur le terrain, précédé de
ses trompettes et joueurs de flûte et de tambourin.
Ses troupes étaient sans toge, en tenue de combat;
chaque soldat portait, au lieu de javeline, soit une
perche écorcée ayant au haut bout une fleur ou un
bouquet de verdure, soit une lqngue et mince fascine
composée de ramilles ou de tiges inflammables. Après