été. Il pleut très-rarement à Moussawa et dans les
environs peu élevés au-dessus du niveau de la mer,
si ce n’est dans les mois correspondants à l’hiver de
France; s’il ne pleut pas en janvier et en*février,le temps
, est ordinairement couvert, ce qui tempère les ardeurs du
soleil ; d’ailleurs, lors même que le ciel est sans nuages,
il fait bien moins chaud, car à cette époque le soleil est
plus loin du zénith, et le vent frais, du nord prédomine
sur toute l’étendue de la mer Rouge. Dès que le terrain
s’élève à environ 1,800 mètres (et la chaîne qui supporte
Halaïe a une élévation bien plus grande),
l’ordre des saisons est brusquement interverti; en
d’autres termes, dès qu’on atteint ce premier plateau de
l’Ethiopie, les mois de décembre, janvier et février
sont les plus chauds de l’année, tandis que ceux de
juin, juillet et août amènent des pluies, qui deviennent
.plus abondantes et moins incertaines à mesure qu’on
s’éloigne du littoral de la mer. Entre les tropiques, où
il fait toujours chaud, on donne le nom d’hiver à la
saison des pluies. Il résulte de cet antagonisme des saisons,
que le voyageur peut quitter Moussawa, qu’il laissé
en plein hiver, pour atteindre, au besoin, en 24 heures,
le plateau de Halaïe, où il se trouve en plein été ; et à
mesure qu’il suit les vallées qui relient les hautes
plaines aux basses terres, les plantes et les arbustes
décèlent, par leur variété, leur abondance et aussi, par
l’intensité plus ou moins grande de leur verdure, le
passage'graduel d’un régime de pluies a un autre.
En outre de nos bagages, nous avions à transporter
la nourriture de nos gens, au nombre d’une
trentaine. Cette.nourriture consiste en farine; la ration
ordinaire, pour les deux repas de chaque jour,
est d’environ deux jointées par homme; chaque
homme fournit le sel et fait son pain : il prépare
d a n s l a h a u t e - é t h i o p i e . 21
la pâte, la façonne en forme de boule creuse, et,
avant de la mettre cuire sur la braise, introduit
dans l’intérieur une pierre préalablement rougie
au feu.
Le 29 mars 1838, nous arrivâmes dans-un district
nommé Igr-Zabo, et nous fîmes halte près d’une source
qui jaillit au pied de grands rochers. Depuis Halaïe,’
nous étions sur le territoire du Dedjadj Kassa, fils du
Dedjadj Sabagadis, prince célèbre en Éthiopie, et ancien
allié de l’Angleterre. Le Dedjadj Oubié avait
épousé la soeur de Kassa, mais ces princes n’entretenaient
que des rapports équivoques qui devaient les
conduire à une rupture violente. Le lieu de séjour habituel
du Dedjadj Kassa était à deux journées, au sud,
de notre route, mais nous savions que le Dedjadj Oubié
concevrait de la jalousie si nous faisions des présents
ou même une visite à son beau-frère.
Le district d’Igr-Zabo appartenait en fief à un des
principaux vassaux du Dedjadj Kassa, nommé Grabraïe.
Ce chef envoya un soldat pour réclamer de nous un
droit de passage sur ses terres.
En Éthiopie, les douanes sont établies dans les centres
de population ; le prince les afferme annuellement,
mais en outre, et dans le Tigraïe surtout, certains districts,
en vértu d’anciens privilèges, perçoivent des
droits de passage pour leur propre compte. Les péagers
guettent nuit et jour et arrêtent les passants, afin de
s’assurer s’ils ne sont pas trafiquants, car l’usage veut
que ces derniers seuls soient imposés. Les droits, ne
sont nulle part fixés par un tarif, et varient selon l’adresse
des intéressés. Dans la langue du pays, ces postes
se nomment portes. Malheureusement pour nous, les
voyageurs européens, et surtout les Allemands, avaient
consenti à .payer ces droits, quoiqu’aucun d’eux n’eût