rise bien plus que l’autre le langage du geste, si naturel
à l’homme, langage que les anciens avaient soumis à
des règles et porté à la hauteur d’un art, accroissant
ainsi la puissance d’expression de la pensée, que les
langues humaines sont si souvent insuffisantes à rendre.
Je m’arrête au seuil d’un sujet si important et si
vaste, laissant aux philosophes à y porter la lumière; et
avant de reprendre mon récit, je prie de considérer que,
si j’établis des rapprochements entre le vêtement éthiopien
et celui des Etrusques, des Romains et des Grecs,
ce n’est point pour faire montre de science et donner
lieu à des scolies nouvelles, mais seulement pour contribuer
à éclairer l’origine du peuple qui m’occupe,
et en même temps mettre en éveil ceux qui s’adonnent
à l’étude * des usages antiques et qui, faute de
les avoir expérimentés, comme moi, par eux-mêmes,
en sont réduits à commenter les textes souvent obscurs
et les représentations mortes souvent insuffisantes.
La plupart des Éthiopiens n’ont qu’une toge; à
mesure que l’aisance leur arrive, ils en ajoutent d’abord
une spécialement consacrée à leurs visites à
l’église, puis une plus grossière pour la nuit et une
plus épaisse pour l’hiver. A la dimension et aux dra*
peries de la toge, bien plus qu’à sa qualité, on distingue
de loin l’homme d’armes du paysan, l’artisan
de l’homme d’étude, l’ecclésiastique du trafiquant, le
musulman du chrétien, et souvent même l’on reconnaît
l’habitant de telle ou telle province.
La toge donne une physionomie magistrale aux
réunions, à l’orateur, à l’homnie en prière; elle fait
souvent ressembler les hommes endormis à des
statues renversées, et rehausse singulièrement l’aspect
qü’ofire le cavalier chevauchant sur une belle
monture. Elle semble moins inviter à l’égoïsme que
nos vêtements ajustés formant une part strictement
définie pour un seul individu. Il arrive journellement
que l’Éthiopien étende un pan de sa toge sur un
homme que son vêtement usé expose à la froidure,
et il n’est pas rare qu’il en détache un lé pour couvrir
la nudité de son semblable,
On fait usage en Ethiopie d’une pèlerine en peau
préparée avec son poil. Ce vêtement de dimension très-
variable est quelquefois fait de la peau d’un poulain
mort-né, d’un chevreau, d’une once, d’un chat civet,
d’une panthère, d’un lionceau, d’un veau, enfin de
tous les animaux domestiques ou sauvages, dont le
pelage est agréable à l’oeil, à l’exception toutefois du
chien et de l’hyène. La peau est taillée de façon à
former cinq ou six bandelettes, qui tombent sur les
reins et les côtés, et à ce que; la peau des deux pattes
■de devant vienne se croiser sur la poitrine, comme
dans la statuette de Gupidon-Hercule qu’on voit au
Louvre. Les plus riches pèlerines sont faites en peau
de mouton, doublées en soie écarlate et quelquefois
rehaussées de bosselures en vermeil; elles viennent
de la frontière N. 0. du Wallo et de la petite
province adjacente d’Amara, où sont soigneusement
élevés des moutons à longue laine. Ces moutons fournissent
une toison dont les mèches atteignent jusqu’à
deux coudées et plus de longueur. La toison blanche
doqt les mèches dépassent une coudée est regardée
comme la pèlerine la plus aristocratique; les toisons
noires d’une à deux coudées de long sont plus
communes et ordinairement soumises à une teinture
qui embellit et égalise leur couleur. Les hommes
de guerrej les cavaliers surtout, portent ce vêtement
par dessus la toge pour l’assujétir ou pour se
préserver du froid; les jeunes paysans et les che