L’Atsé était investi d’une sorte de délégation de
pouvoirs militaires, administratifs, judiciaires et, par
fiction seulement, de pouvoirs cléricaux; mais dans
la limite de curateur de ces pouvoirs. D’après les
feudistes indigènes, la nation éthiopienne aurait été
une nation d’hommes libres, ayant pour chef un
homme qui ne l’était pas. En tout cas, il semblerait
que l’on pût dire des princes éthiopiens ce que
Tacite disait des princes germains : de minoribus
rebus principes consultant, de majoribus omnes.
Tous les citoyens étaient astreints au service de
guerre, et leur réunion composait les armées nationales
les habitants des frontières gardaient les
frontières; les autres suivaient l’Atsé à la guerre.
L Atse était l’organe du commandement suprême
dont il puisait la raison dans le conseil des grands
Polémarques ou Dedjazmatchs dont le nom signifie :
porte des gens en campagne. Ces Dedjazmatchs, dont
les pouvoirs expiraient presque complètement à la
fin de la campagne, étaient désignés par les citoyens
à la nomination de J ’Atsé, et chacun d’eux commandait
aux hommes d’armes représentant une province
ou quelque grande division territoriale. On
rassemblait l’armée par bans impériaux émanant de
l’Atse assisté de son grand conseil. Certaines provinces,
les unes privilégiées, les autres désignées
par le sort ou par les circonstances, se relayaient
pour veiller à la sûreté de la personne de l’Atsé et
contribuer a la splendeur de sa cour. La garde de
chaque jour se composait de mille hommes. L’Atsé
avait aussi le droit de former, pour son service personnel,
un corps de troupe qui ne devait pas excéder
quelques centaines d’hommes.
En sa qualité de gardien de la Justice, l’Atsé
cassait ou confirmait les arrêts soumis à sa cour,
qui était composée de quatre grands juges nommés
Lïkaontes (mesureurs, modérateurs) et de quatre assesseurs
nommés Àzzages (ordonnateurs, commandeurs),
tous héréditaires, mais astreints néanmoins
à la confirmation de l’Atsé. Le nombre de ces magistrats
a été doublé quelquefois, mais il était presque
toujours de huit. Ces huit magistrats formaient
le noyau du grand Conseil de l’Empire auquel on adjoignait
quelques grands officiers de la maison 'de
l’Atsé, quelques grands feudataires, ainsi que quelques
hauts dignitaires • ecclésiastiques. La noblesse
des Likaontes remontait aux . Hébreux, ‘Celle des
Azzages était d’origine éthiopienne. Le costume fie
ces magistrats était celui du clergé. De même que
l’Atsé, ils ne portaient point d’armes sur leurs personnes,
mais on en portait devant eux pour leur
faire honneur; ils devaient résider auprès de l’Atsé
.et le suivre même à la guerre. Les likaontes, qui
exerçaient vis-à-vis de l’Atsé un droit de remontrances
et, en quelques circonstances, celui de veto
suspensif, faisaient la répartition des impôts et redevances
dus à l’Empereur pa,r les grands vassaux;
les Azzages veillaient à leur perception et à la gestion
du domaine impérial, composé de terres de
peu d’étendue, éparses dans les provinces éloignées.
.
On comprend que ce tribunal suprême, composé à la
rigueur de neuf juges, pût suffire, même dans un vaste
empire, à ses importantes attributions. La richesse
nationale était agricole, et l’agriculture s’appuyait sur
la forte constitution de la famille, en dehors de laquelle
la propriété ne se transmettait que très-rarement.
Ce régime excluait l’intervention de l’auto