encore le gnez ou langue sacrée, qu’on ne parle plus
sur le haut deuga; les Bilènes, identiques peut-être
avec les Blemmyes des Romains; les Kamtas, qui
perpétuent près du Lasta une des plus belles races
de l’Afrique ; les Gafates du Wadla, qui n’ont conservé
de la langue antique d’autres vestiges que des
chansons officielles; les Gafates du petit Damote, le
Falacha et Quimante du Dambya, et les Sinitchos de
la rive gauche de l’Abbaïe. Si l’on joint à tous ces
noms de tribus ou de langues, les Tegraïens, les Amaras
et les Ilmormas, l’on aura une idée sommaire de
la diversité des sujets de l’ancien Empire éthiopien.
Avant de terminer cette description d’un pays
encore peu connu, malgré tous nos efforts, il est
bon d’insister sur un trait physique qui domine sur
toute la partie occidentale et septentrionale de cette
longue ligne de frontières. Là, les hernes n’ont pas
été créées tout-à-fait par le génie de conquérants
stupides; si ces hernes sont désertes, c’est qu’elles
sont, aujourd’hui du moins, inhabitables; c’est qu’au
milieu d’une végétation luxuriante, foulée seulement
par la bête féroce ou par les rares caravanes de
hardis trafiquants, des influences mystérieuses donnent,
pendant dix mois de l’année, la mort aux
voyageurs. En attendant que les hommes de l’art
puissent aller savoir, sans y périr eux-mêmes, quel
'genre de maladie attend l’être humain qui traverse
ces hernes, même en courant, on se bornera à émettre
l’hypothèse que cette insalubrité a dû aider les
Éthiopiens à résister aux Musulmans des kouallas
et à garder les trésors sacrés de leurs libertés et de
leur foi chrétienne.
Comme on doit le pressentir, la configuration de
l’Éthiopie, formée de contrées d’altitudes si différentes;
la température fraîche et uniforme de ses
deugas ombreux, fertiles et si longtemps verdoyants;
la froidure des contrées dites tchokés; la température
brûlante des kouallas, dont la végétation luxuriante
alterne avec la stérilité et la sécheresse la plus
extrême; l’atmosphère tiède et voluptueuse qui caresse
les woïna-deugas, où les villes surgissent de
préférence,, comme pour convier les compatriotes
d’altitudes si opposées à s’entrevoir commodément;
les variétés d’habitudes alimentaires et autres ; enfin,
l’action de climats si opposés, doivent, à la longue,
influer de telle sorte sur le physique et le moral
des habitants, que, malgré une communauté de race,’
de religion, de lois et de moeurs, il s’établit entre
eux des différences marquées.
L’homme des kouallas est de petite taille, souple,
musculeux et bien pris; ses extrémités sont fines et
sèches ; il devient rarement obèse, souvent même il
est comme frappé d’émaciation ; il est en général
plus barbu et velu que l’homme des deugas ; sa tête
est petite, son visage court, son teint, selon les indigènes,
tend à se foncer, et ses cheveux à devenir
épais et rudes; sa denture est très-belle, ses yeux
grands; il a les traits accentués, le front souvent
fuyant, le nez ordinairement droit, petit, aux ailes
grandes et mobiles, et très-rarement aquilin.
L’homme des deugas est d’une taille plus élevée,
d’une ossature relativement forte, ses extrémités sont
grandes et charnues, ses muscles peu apparents et
ses chairs abondantes; son teint est souvent aussi
foncé, mais sur ces hauts plateaux l’on trouve plus
fréquemment les femmes au teint clair, mat, légèrement
doré, se rapprochant, comme il a été dit,
du teint, européen. Les mauvaises dentures, très