rite civile dans les questions si nombreuses relatives
à la » propriété.
Chaque citoyen était justiciable, en première
instance au moins, de sa famille; qui relevait à son
tour de la commune. Il pouvait passer en appel au
tribunal supérieur du district ou de la province, et
arriver en dernier ressort au tribunal de l’Atsé et
de ses Likaontes. Mais les cas étaient rares, où il y
eût intérêt à épuiser ces juridictions, car la famille
jouissait d’un ascendant tel, qu’à moins d’injustice évidente,
c’était affronter l’opinion publique que de faire
appel d’un jugement rendu dans son sein.
La femme ne jouissait pas légalement des mêmes
droits que l’homme. La terre ne passait en
héritage aux femmes qu’à défaut d’héritiers mâles;
dans certaines provinces, l’héritière au premier degré
pouvait être déboutée par un héritier mâle du
sixième et même du septième degré. De plus, les
femmes se mariaient sans dot, et il leur était constitué
un douaire, soit préfix, soit coutumier, ou tout
au moins un mi-douaire.
Mais le trait caractéristique des constitutions
éthiopiennes, ce qui contribuait surtout à prévenir
Fencombrement des causes devant les juridictions
intermédiaires et la haute cour de l’Empereur, c’est
que pour avoir confié la puissance judiciaire à des
organes remontant' hiérarchiquement jusqu’à l’Empereur,
la nation ne s’en était pas dessaisie. L’accusé
ou le défendeur avait le droit *de choisir ' son
juge, tout Éthiopien étant considéré comme apte à
juger en première instance une cause civile, quelquefois
même criminelle, à condition toutefois qu’il |
trouvât des assesseurs pour former son tribunal; et
nul ne pouvait se soustraire à l’obligation qu’imposait
une désignation ' pareille. Aujourd’hui encore, la
coutume rend doublement responsable le citoyen
qui refuse d’exercer ainsi le pouvoir judiciaire : il
est responsable envers l’ayant-droit d’abord des restitutions
et dommages-intérêts auxquels eût été condamné
le défendeur, et passible même des peines
encourues par l’accusé ; il a à repondre, en outre, de
son fait de déni de justice. Comme on le voit, c’est
l’institution du jury, mais d’un jury responsable, portée
à sa dernière limite et fondée sur cette idée, que
la notion de la justice n’est point le privilège exclusif
des élus de la science judiciaire, mais un attribut de
chaque homme, inséparable de sa conscience, et que
c’est porter atteinte à cette conscience que de frapper
d’interdit sa principale manifestation.
Ce ré gime judiciaire établit entre les citoyens une
solidarité continuelle, soumet la justice à leur contrôle
permanent, les porte à connaître leurs' droits
et leurs devoirs, leur permet de passer toujours par
le jugement de leurs pairs véritables, et la loi puise
incessamment une sanction et une force nouvelles
dans la raison et la conscience publique dont elle
suit graduellement les progrès.
Quant à cette obligation de rendre la justice,
les Éthiopiens disent qu’elle est pour tout citoyen
aussi impérieuse que celle de défendre le pays en
danger, l’injustice étant de tous les ennemis le plus
redoutable.