en tirailleurs sur toute la ligne; les fusiliers et es-
carmoucheurs ennemis se détachèrent à leur rencontre,
ce qui indiquait qu’Ilma descendrait au devant
de nous. La plaine intermédiaire allait donc nous servir
de champ de bataille.
Un long et formidable cri, monotone et triste, s’élevant
a notre aile gauche, gagna de proche en proche
toute notre armée : c’était l’invocation que les Goja-
mites adressent ordinairement à Dieu à l’instant du
combat, et qui consiste en ces mots : « Dieu ! pardon-
nez^nous, Christ !n prononcés avec un accent très-
prolongé sur la dernière syllabe des mots qui signifient
Dieu et Christ, Cette supplique mâle et plaintive tout
ensemble, ondula une deuxième et une troisième fois
sur tous les rangs, comme ces sinistres mugissements
qui précèdent la tempête. Sur un signe du Prince,
on battit la charge et l’armée' partit au pas gymnastique.
Les masses ennemies, qui s’étaient formées derrière
la cîme de deugS, nous apparurent tout à coup sombres,
profondes et scintillantes de fer ; .elles se déployèrent
sur les pentes qui menaient à nous. L’aile droite
formée d’une masse d’infanterie, suivie d’un corps de
cavalerie, descendait le long de la lisière du bois; elle
paraissait n’être pas supérieure en nombre aux troupes
d’Ymer, mais son aile gauche, presque entièrement
composée d’infanterie, était numériquement
très-supérieure à notre .aile droite, et la dépassait de
beaucoup par l’étendue de son front. Son centre, formé
comme le nôtre en deux corps l’un devant l’autre, et
flanqué de cavalerie des deux côtés, dévalait à notre
rencontre en nombre si grand et avec un entrain et
un ordre tels, que la résolution de nos gens parut un
instant refroidie.
Monseigneur demanda son bouclier et débita son
thème de guerre, à peu près em ces termes:
; Courage ! Me voici ! c’est moi qui suis Guoscho,
le fils de Zaoudé, l’enfant du père d’Ipsa ! Allez 1 Allez !
Cette journée est à moi ! A moi, Guoscho, fils d une
lignée de rois ! Guoscho le descendant de David,
Guoscho le véritable dominateur ! Zorrofï Guoscho,
le fils de ses oeuvres ! Le Prince soldat ! Confiance,
mes enfants! Us viennent, ils sont à nous, ils nous
appartiennent, car je suis ici, et qu’est-ce pour moi
qu’un ennemi pareil? Ne suis-je pas celui que je
suis? La fortune est mon cheral de combat! Zorrofï
Guoscho, le généreux, le prodigue, le vainqueur 1 Les
obstacles reculent devant lui ! Il est haut comme les
précipices, il s’avance comme une montagne, il nivelle
tout ! Qui arrêtera Guoscho, fils de Zaoudé ? J envoie
mes ennemis aux abîmes IHammarZorroff! Les mêlées
me nomment leur père et je les caresse comme mes
enfants, car je suis le Guoscho, le vrai seigneur des
batailles 1 Marchez donc, marchez ! marchez !
Les trois cents cavaliers qui entouraient le Prince
débitaient eux aussi leurs thèmes de guerre; les chevaux
ne se possédaient plus, et l’infanterie poussait à inter-
cadences régulières un long cri caverneux. Ce mugissement
intermittent, sortant avec ensemble de milliers
de poitrines, la batterie veloutée des timbales et les
notes soutenues et vibrantes des trompettes formaient
une ouverture de combat la plus imposante qu’on
puisse imaginer. -
Les masses ennemies dévalaient encore la déscente,
lorsque nous abordâmes la plaine intermédiaix e,
où les tirailleurs d’Ilma escarmouehaient. contre les
nôtres ; la fusillade pétillait sur toute la ligne. Quelques
instants encore, et un cri immense, irrésistible,