alors à son Grand Sénéchal le soin de rendre en
son nom les décisions judiciaires d’urgence, et son
confesseur était seul admis à partager ses repas.
Après avoir ainsi passé quelques jours, recueilli et
inaccessible, au milieu du déchaînement des passions
les plus actives de ses sujets, il nommait d’abord,
conformément à l’antique coutume du Damote,
le page porte-aiguière, dont la fonction, regardée
comme la plus humble parmi celles des pages,
consistait à lui verser l’eau pour se laver les mains
avant et après les repas. Ce petit fonctionnaire avait
le droit dé s’asseoir au bas-bout de la table, en
face du Prince et à côté des plus grands seigneurs;
en campagne, il devait porter le bassin et l’aiguière
de cuivre qui représentaient tout son domaine. Le
Prince décidait ensuite des nominations aux grandes
charges; le Chalaka Maretcho transmettait à mesure
à un timbalier, en permanence sur la place, les noips
des titulaires et les formules d’investiture, que celui-
ci rendait immédiatement, officielles par ban. Ceux
que le Prince voulait priver de leur liberté étaient
subitement arrêtés, soit au camp, soit dans leurs
fiefs, par les centeniers les plus énergiques de la
garde. Les nominations terminées, c’était avec une
joie d’enfant que le Prince rouvrait sa porte à ses
commensaux ordinaires et à ses familiers. Les nouveaux
grands dignitaires et ceux qui avaient été
confirmés dans leur poste venaient ensuite faire leurs
baise-mains et recevoir en cérémonie leur cotte-
d’armes d’investiture. La plupart des Polémarques
avaient au contraire l’habitude, en ces occasions,
de s’entourer de leurs familiers et de leurs conseillers,
ce qui donnait lieu à des intrigues et à des
divisions. Le Dedjadj Guoscho disait qu’un chef devait
recueillir incessamment, pendant le cours de
l’année et au milieu du calme des esprits, les éléments
de ses décisions annuelles, et que le moment
venu de les prendre, il fallait éviter jusqu’aux influences
de ses amis, qui apportent toujours dans
leurs conseils leurs passions et leurs faiblesses ; qu’il
lui était déjà malaisé d’imposer silence aux siennes,
et qu’il ne voulait point commettre l’équité de ses
résolutions au conflit des intérêts de ceux même
qu’il aimait le plus.
La maison d’un Dedjazmatch se compose ordinairement
des fonctionnaires suivants :
Le Fit-worari (envahisseur en avant) , ou chef
d’avant-garde. Cet officier, le plus important en temps
de guerre, devance l’armée avec ses propres troupes;
il établit son camp à une certaine distance en avant de
celui de son suzerain, dont il a le soin de choisir et de
désigner d’abord l’emplacement; il a droit de dresser
pour lui-même et pour ses principaux chefs des tentes
blanches. Le jour d’une bataille, il est souvent chargé
d’engager l’action, sinon, réunissant ses soldats à ceux
de son maître, il a de droit le commandement d’une des
ailes; il commande aussi les expéditions importantes
que le Prince ne conduit pas en personne. Il a place au
conseil, et il propose à l’agrément du Prince les noms
de ceux qui, adjoints aux conseillers ordinaires, composent
le grand conseil de guerre. L’importance de sa
dignité équivaut à celle du Grand Sénéchal, auquel
pourtant il cède le premier siège. En pays ennemi, il
jouit de certains privilèges de maraude et droits de
prise ; il a droit aussi à une part des tributs en pays
nouvellement conquis. Lui. seul, après le Polémarque,
a le droit d’envoyer des espions auprès de l’ennemi ;
pour tout enfin, il communique directement avec le