de respecter les libertés de leur peuple et de se conformer
aux, usages des ancêtres. Cependant, comme
nous l’avons dit, plusieurs d’entre eux, cédant aux
entraînements du pouvoir, ont entrepris contre les
droits' de leurs sujets qu’ils ont cherché à soumettre
à des règles d’obéissance uniformes, toujours commodes
pour les autocrates. Ces entreprises ont donné
lieu à des luttes sans nombre, à des guerres dont
l’histoire est oubliée, et si, d’après ‘ce que disent les
Éthiopiens, leur famille impériale a réellement régné
depuis l’époque de Salomon jusqu’au siècle dernier, il
y a lieu de regretter profondément que l’histoire en
soit perdue, ne fût-ce que pour les enseignements
que nous aurait fournis cette lutte tant de fois séculaire
entre l’autorité de la famille et de la commune
et celle des Césars éthiopiens.
La tradition éthiopienne prétend que, lors de sa
visite à la cour de- Judée, la reine de Saba conçut
du roi Salomon un fils auquel elle donna le jour,à
son retour en Ethiopie. Lorsque ce fils, nommé
Menilek, fut en âge, elle l’envoya auprès de son père.
Celui-ci voulant s’assurer de l’identité de sa progéniture,
descendit de son trône, y fit asseoir un de
ses officiers et se tint parmi ses propres serviteurs.
Le jeune Éthiopien était chargé par sa mère de remettre
à Salomon un anneau qu’elle tenait de lui,
et qui devait contribuer à le faire reconnaître. Il se
prosterna tout d’abord devant l’officier assis sur le
trône, mais ne pouvant démêler dans ses traits l’image
paternelle que sa mère avait gravée dans sa
mémoire, il parcourut des yeux les courtisans, reconnut
Salomon malgré son déguisement, et, s’avançant
vers lui sans hésitation, il lui présenta
l’anneau.
Les courtisans furent émerveillés. Salomon remonta
sur son trône, bénit ce fils, le fit couvrir
d’habits somptueux et se complut à le voir à sa
cour, où il lui donna une fonction parmi ses serviteurs.
Mais le jeune Éthiopien ressemblait tellement
à Salomon, que le peuple, de Judée s’y trompait. Le
roi, redoutant les grandes qualités de son enfant et
les effets de la popularité qu’il s’attirait chaque jour
davantage, jugea bon de l’envoyer régner en Éthiopie
et de lui donner pour compagnons les fils aînés d’un
grand nombre de familles de marque de ses États,
ainsi que des représentants de chacune des douze
tribus d’Israël, afin de figurer et perpétuer en Éthiopie
le royaume de Judée.
Menilek désirant emporter un signe qui lui rappelât
le pays de son père, s’entendit avec ses compagnons
pour enlever du tabernacle les Tables de la
Loi. Un vent impétueux, disent les Éthiopiens, vint
en aide, à vces pieux voleurs, en jetant le désordre
et l’effroi parmi les habitants de la Judée, et un
nuage enveloppa même les ravisseurs jusqu’au moment
de leur arrivée à un port de la mer Rouge,
d’où un flot propice les porta rapidement jusqu’en
Éthiopie. Les lévites, gardiens du tabernacle, réussirent,
dit-on, à cacher à leur peuple la soustraction
des Tables Saintes qu’ils remplacèrent comme
ils purent. De même que chez les Israélites, les Tables
auraient toujours suivi le camp des Empereurs
éthiopiens jusqu’à l’époque, de date incertaine
aujourd’hui, où, à l’exemple de Salomon, l’Empereur
et les Grands de l’Éthiopie convinrent de bâtir à
Aksoum un temple, pour y déposer le témoignage
authentique des miracles du Sinaï.
Les empereurs auraient successivement transporté