vassaux ou leurs alliés à se mesurer avec des forces
ne dépassant pas quinze mille hommes, Du reste les
armées nombreuses nuisent bien plus à l’Éthiopie par
les dévastations qu’occasionnent leurs 'marches et par
les déplacements d’autorité qu’entraîne la victoire,
qu’elles ne se nuisent réciproquement par des faits de
guerre proprement dits.
Dans un pays où l’on se sert principalement de
Parme blanche, et où les chevaux sont nombreux,
la cavalerie prend naturellement toute son importance
et donne pour ainsi dire'le. ton aux combats,
même à ceux d’infanterie. Aussi, pour les indigènes,
même pour ceux du Tegraïe, où les chevaux sont
rares et les armes à feu communes, l’homme qui
combat à cheval représente le type de l’homme de
guerre. Quoiqu’ils redoutent les fusiliers, leur esprit
se refuse à leur attribuer une efficacité d’action
aussi grande qu’aux cavaliers, dont les moindres
faits militaires ont d’ailleurs, à leurs yeux, un caractère
de bravoure et de noblesse qu’ils sont loin
d’attribuer aux faits accomplis au moyen d’armes à
feu. On peut s’expliquer ainsi pourquoi, malgré l’introduction
de ces armes, .les fantassins ont continué
de conformer leur tactique à celle du cavalier, et
de pratiquer ces fuites et ces retours offensifs,
très-appropriés à l’emploi des armes blanches, mais
qui, au premier aspect, semblent' ne donner lieu
qu’à des simulacres de combats.
Comme on l’a vu, la tactique du cavalier est
celle des Scythes, des Parthes et des Numides ; il
dresse son cheval, comme ceux d’Enée loués par
Homère, à suivre et à éviter l’ennemi, et s’il doit
être hardi à l’attaque, il doit, comme le héros
troyen, avoir aussi la science de la fuite.
Les combats, entre cavaliers surtout, sont faits
pour étonner un Européen. Que deux corps de cavalerie,
de 2 ou 3,000 hommes chacun, se trouvent
en présence, et ne soient point contraints par quelque
circonstance à une action générale immédiate,
20 à 25 cavaliers s’élanceront à toute bride contre
tout un escadron qui les alléchera en leur cédant
du terrain. Mais, par un retour offensif, une centaine
de cavaliers peut-être se détachent, relancent
ces assaillants et cherchent à les envelopper avant
qu’ils soient secourus. Si le terrain s’y prête, il
s’établit ainsi, comme.au jeu de barre, un va-et-
vient de charges sur plusieurs points à la fois. Ces
combats partiels seront soudainement interrompus
par une charge formidable de 12 à 1,800 chevaux,
balayant tout devant elle, dans le but de sonder le
terrain, de modifier l’assiette des forces de l’ennemi,
ou simplement de l’impressionner, ou peut-être
pour dégager un peloton de 10 à 15 cavaliers, qui,
dans cet emmêlement de charges et contre-charges,
allait être enlevé. Au milieu de ces échanges d’attaques,
de ruses, et de retours faits au grand galop, escadrons,
escouades, lignes, • pelotons, se rompent, se
mêlent, se disjoignent et se reforment, donnant tour
à tour au combat, comme" dans un kaléidoscope,
des physionomies toujours nouvelles. On verra un
cavalier, séparé de ses compagnons, serpenter au
milieu de ses adversaires, le sabre à la main, sous
une grêle de javelines, et leur échapper quelquefois,
après leur avoir distribué des blessures, aux applaudissements
des deux partis. Deux troupes considérables
s’essaieront réciproquement par dix, quinze
ou vingt charges partielles, avant d’exécuter une
charge en masse ; puis elles recommenceront à