lieu écarté ; leur Bacha ou chef fit tourner trois fois
autour d’eux trois taureaux qu’il égorgea ensuite ; les
fusiliers, ayant trempé la gueule de leur carabine dans
le sang, mangèrent les viandes sur place et brûlèrent
les issues et les os. Après ce sacrifice de propitiation,
dernier reflet du judaïsme, ils revinrent au camp en
tiraillant; ce qui parut réconforter nos soldats parmi
lesquels, depuis quelques jours, circulaient des rumeurs
propres à ébranler leur confiance dans nos
forces.
Nos espions nous apprirent que le Lidj lima était
encore à une bonne journée de marche, qu il faisait
reposer son armée et comptait nous offrir la bataille
le surlendemain, samedi; c’etait le même jour que
nos. chefs, réunis en conseil de guerre, avaient choisi.
Les croyances superstitieuses déterminent ordinairement
le choix d’un jour de bataille, tel Dedjazmatch
a son jour de prédilection ; tel autre suit les
conseils d’un devin, habituellement un clerc, ou obéit
à un songe ou à quelqu’autre présage. Comme nous
étions à court de vivres, on décida de porter le camp à
quelques milles plus loin, près d’un village nommé
Konzoula : nous y serions à portée d’un fertile district
qui s’étendait sur notre droite jusqu’au lac Tsana;
nos soldats s’y ravitailleraient sans fatigue et seraient
plus dispos pour la bataille.
Nous arrivâmes à Konzoula le vendredi 24 du mois
de Meuskeurreum,. qui, cette année là, correspondait
au 4 octobre. Un timbalier annonça la picorée par un
ban ; nos gens déposèrent sur le champ leurs bagages
selon la configuration habituelle de nos campements,
et ils disparurent dans la direction indiquée, protèges
par quatre cents fusiliers et plusieurs escadrons de
cavalerie.
Réduits presque exclusivement aux notables, aux
femmes et aux hommes de peine, nous ne songeâmes
plus qu’à nous installer. Nous nous trouvions dans une
petite plaine ondulée, herbeuse, et inégalement partagée
par un ruisseau, lequel, de même que les environs,
prend son nom du petit village de Konzoula. Ce
ruisseau, large de quatre mètres à peu près, et profondément
encaissé dans les berges fangeuses et accores,
formait pour notre camp une défense naturelle dans
la direction de l’ennemi; circonstance qui avait décidé
Birro à choisir ce campement. Mais on s’aperçut bientôt
que le sol détrempé ne pouvait retenir les piquets
de nos tentes-, Monseigneur fit mander Birro et Ymer
Sahalou, et décida avec eux de transporter le camp
au-delà du ruisseau, et à l’extrémité de la plaine, où
les ondulations du terrain nous promettaient un sol
plus tenace; d’ailleurs, le passage du ruisseau, pouvait
être une cause de désordre sérieux pour nos
multitudes, si elles avaient à l’effectuer le lendemain,
ayant l’ennemi en ; vue. On donna des ordres
en conséquence, et Monseigneur partit avecMme-
quarantaine de cavaliers pour choisir le nouveau campement.
Le passage dy. ruisseau, où hos bêtes enfonçaient
jusqu’à la ventrière, nous ayant retardés pendant plusieurs
minutes, nous reprenions a peine notre chemin,
quand nous vîmes une ligne d’environ soixante cavaliers
se détacher d’un petit bois à notre gauche et
avancer rapidement sur nous. C étaient des eclaireurs
ennemis.
Nous n’étions plus à temps pour repasser le ruisseau.
Un monticule sur notre droite nous offrait une
bonne position pour attendre du renfort de notre
camp, qui n’était éloigné tout au plus que de 800 métrés,
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