Je n’aspire point à démontrer exactement les origines
de ce peuple, non plus qu’à faire son anthro-
pographie; mon but est de relater ses faits et ses
gestes contemporains, et comme, dans le drame de la
vie, il existe des corrélations étroites entre le physique
de l’acteur et son rôle, je crois nécessaire de décrire
l’Ethiopien tel qu’il frappe les yeux, et même de parler
avec quelques détails de ses vêtements et des accessoires
qu’il joint à sa personne,’accessoires auxquels
il communique quelque chose de sa personnalité et
qui, par une réaction naturelle, ne sont peut-être pas
sans influer à leur tour sur son être physique et moral.
Les Ethiopiens ont en général les traits de ce qu’on
appelle communément la race caucasienne ; souvent ils
représentent le type des statues des Pharaons, ou bien
la physionomie de l’Arabe et quelquefois du Cophte;
on trouve aussi parmi eux des hommes rappelant par
leurs types et leurs allures l’Indien de Coromandel et
de Malabar, des physionomies juives du plus beau modèle,
des sujets accusant à divers degrés l’immixtion
du sang nègre, et enfin, dans les deux provinces Agaw,
un type étrange, aux yeux relevés vers les tempes.
Les Ethiopiens sont d’une stature moyenne; leur
ossature est plus légère que celle de l’Européen, leur
carnation plutôt molle; leur angle facial est ouvert
comme celui des Caucasiens et leur front développé ;
leurs attaches sont fines, leurs mains petites et bien
faites, leurs membres inférieurs plutôt grêles. Ils ont
en général le mollet placé trop haut, les genoux ou les
pieds cagneux, le talon plutôt saillant, le pied charnu
et plat et les jambes rarement velues ; leur denture est
presque toujours irréprochable et leur musculature
moins saillante que chez l’Européen ou le nègre. On
trouve parmi eux très-peu d’hommes contrefaits et peu
d’une grande force musculaire; leurs formes se rapportent
plutôt au type d’Apollon qu’à celui d’Hercule.
Ils sont adroits, souples et gracieux dans leurs mouvements;
ils ont la démarche libre, assurée, le geste sobre,
distingué, sont peu aptes aux gros travaux, mais résistent
admirablement à la faim et aux fatigues de longue
durée. Leur peau, d’une douceur remarquable, fournit
des spécimens de toutes les nuances de coloration,
depuis le teint pâle ou légèrement cuivré du Chilien de
souche espagnole, jusqu’au teint noir du Berberin ou
du nègre; le teint bronze florentin êst celui de la majorité.
Il n’est pas rare de trouver des hommes d’une
très-grande pureté de traits et des femmes d’une
beauté accomplie. Iis ont plusieurs termes pour désigner
les nuances de teint si diverses de leurs compatriotes
et n’admirent que médiocrement le teint européen,
qu’ils nomment.teint rouge; ils prisent bien
davantage le teint pâle légèrement doré. Du reste,
dans leur pays, sous leur ciel inondé de lumière et
dans leur atmosphère sèche et diaphane, le teint de
l’Européen est loin d’être préférable : il se hâle et brunit,
il est vrai, mais s’injecte inégalement et devient
rouge par places, tandis que celui de l’indigène reflète
la lumière d’une façon douce et harmonieuse.
Les Éthiopiens vont habituellement pieds et jambes
nus; ce n’est que par exception qu’ils usent de
chaussures. Quoique exposés à marcher sur les
terrains les plus raboteux, les paysans et les soldats
surtout mettent de l’amour-propre à ne point garantir
leurs pieds. Ils regardent comme une preuve
de santé et de virilité de pouvoir fouler impunément
depuis le tapis moelleux des prairies, fréquentes
dans les deugas ou hauts pays, jusqu’au sol calciné
èt brûlant des kouallas ou basses-terres, ordinai