épuisé les ressources dans un rayon de quelques
milles, nous portions nos tentes plus loin. Peu après
le départ de l’avant-garde, les batteries des timbales
annonçaient que ie Dedjazmatch se mettait
en marche; à cq signai, l’armée, s’ébranlait en tumulte
et évacuai^ rapidement le camp ; cavaliers,
fantassins, fusiliers, femmes, pages, bêtes de charge,
porteurs de civières, fourmillaient sans ordre le
long de la route; î’arrière-garde poussait les traînards.
Un passage difficile se présentait-il, on mettait
des heures entières à le franchir, au milieu d’accidents
et de rixes de toutes natures; ces jours là, l’arriérer
garde n arrivait au camp qu’à la tombée de la nuit. À
tel ou te| de ces passages, cinq cents Dallas, bien conduits,
eussent pn amener notre déroute complète. La
confiance était telle que, malgré la défense du Prince,
de petites bandes s’engageaient imprudemment dans
le pays sur les flancs de l’armée en marche, et que des
maraudeurs se détachaient vers quelque point supposé
inexploré; les Dallas les enlevaient quelquefois, comme
aussi quelques traînards. De pareils actes d’indiscipline
nous firent éprouver trois ou quatre fois des pertes
sensibles ; néanmoins, la moyenne ne dépassait guère
une vingtaine d’hommes par jour; l’ennemi en perdait
un nombre bien plus grand.
Nous montâmes sur le deuga du Liben, et nous
campâmes dans des plaines boisées où les Dallas
nous inquiétèrent beaucoup. De jour, ils attaquaient
de tous côtés' nos soldats au pillage, et, la nuit,
malgré les grands abattis d’arbres dont nous entourions
potre camp, ils nous assaillaient de projectiles
sur plusieurs points de notre périmètre et
tuaient ainsi des hommes endormis, des femmes,
des pages, des chevaux ou des mules. Un soir, ces
âttaqueé plus multiples et plus vives noüs tinrent
éli éveil; il pouvait être onze heures, la lune était
pleine et nos hommes èscarmoüchàient en dehors
dë nos défenses; triais là lùiie se voilant subitement,
ils reiitfèfeîit dë peur d’être ëtilëvés, car le
haut Liben est réputé pour le nombre et l’adresse
dë Ses caValiërs. Un Dalla s’approcha de hos défenses,
ét, d’ürië voix soiiOfë* demanda â être écouté ï
*— 0 fils de Zaoudé ! 5 DüoScho 1 tu comprends
nôtre langue, dit-il. Pourquoi viens-tu dans le pays
des paisibles Dallas? Pourquoi aiguiser Süf nous tes
sabrés et tes javelines? pourquoi faire tonner tes
carabinés? Lé père du ciël lüi-mêihë hé fait pas
autant de bruit que toi. Si hos compatriotes dës
frontières font offensé, poüfquoi te Vëhgef sur noüs?
Pourquoi quitter tes demeures en pierre, bién assises,
pour promeriër jusqü’içi tés maisons de toile,
incendier, dévaster notre pays, entraîner nos femiuës,
affamer nos bestiaux et pousser nos hommes au
désespoir? Souviehs-toi du sang de Zaofidë. Si tu
he crains pas que nous détruisions tôii pays, crains
Dieu; n*as-tu rien a iui demander? Comme tù écouteras
nia prière, ü écoutera les tiennes. Rends-moi
mon père fait prisonnier aujourd’hui; il ne peut
payer rançon, îî est vieux, d n’à que ses fils pour
tout bien, et nous ne possédons que nos fèmmés,
nos enfants, nos bouéliers et quelques bestiaux à
peine suffisants pour nous noilrrir, tandis que tes
soldats à toi égorgent, tout un troupeau pour choisir
une bouchée de viande à leur goût, laissant le
reste aux vautours et aux hyènes. 0 fils de Zaoüdéi
renvoie-nous un vieillard qui n’a de Valeur qde pour
ses enfants !
C’était beau de voir, au milieu de la nuit, nos