m’entourer dès l’instant de ma chute, d’autant plus
intempestive, que le désir de me protéger pouvait
amener le combat sur place. Peu après cet incident,
nous arrivâmes en vue de notre camp établi
sur des collines. Les Gallas, nous ayant harcelés encore
un peu, s’arrêtèrent et nous donnèrent l’adieu,
en poussant des cris, mêlés d’injures et d’éloges. La
nuit tombait lorsque nous rentrâmes. Les chefs étaient
tout glorieux d’avoir détruit du même coup une idole
païenne et un monument de la conquête musulmane,
et de ramener tous nos piétons, après avoir déjoué
en plaine les efforts de plus de 2,000 cavaliers ennemis.
Chacun était d’autant plus satisfait, que si les
Gallas eussent réussi à engager le combat sur place,
pas un de nous probablement n’eût rejoint l’armée.
Il semblera peut-être, vu notre infériorité numérique
et les conditions défavorables dans lesquelles
nous eûmes à opérer, que c’est grâce au manque
de décision de nos adversaires que nous avons pu exécuter
notre retraite. Il n’en est rien cependant. En
Ethiopie, dans presque toute l’Afrique, en Arabie et
dans la plupart des contrées d’Asie, prévaut le principe
instinctif, que toute impulsion violente s’usant
d’elle-même, il faut attendre, pour la combattre, que
sa force initiale soit affaiblie. C’est ce même principe
appliqué à la conduite des affaires, qui donne aux
diplomates de ces pays une supériorité mise trop
souvent au service de mauvaises causes. Quoique
les Ethiopiens, en grande majorité, n’emploient que
l’arme blanche, il est rare qu’ils répondent à une
attaque de façon à s’entrechoquer du premier coup.
Le combat débute, en général, par un échange plus
ou moins répété d’attaques, de retraites et de retours
offensifs ; et ces préliminaires amènent le combat
de pied ferme ou la mêlée, selon les conditions de
terrain ou les causes morales qui jaillissent du conflit,
même. Il peut arriver que ces évolutions préliminaires
ayant causé des pertes sensibles, les partis
se séparent sans en venir à une mêlée ; comme
encore la victoire peut dès ce moment se décider
si l’un des deux décèle, par un flottement oü d’autres
signes, la perte de son assurance. En ce cas, il ne
tardera pas à être’rompu et morcelé, à moins que
ses champions d’élite ne lui redonnent l’ascendant
par quelque initiative énergique. Ces moments de
crise sont ceux qui fournissent le plus à la verve
des trouvères, et c’est à en profiter que vise l’ambition
des plus intrépides. Quoiqu’il n’y ait pas de commandements,
attaques et retraites se font avec ensemble,
au pas de course et sur une ou plusieurs
lignes de profondeur; elles sont inspirées par le
désir de prendre ou de refuser tel ou tel avantage
de terrain, de position, par celui de couvrir un
blessé, de relever un cadavre ou par d’autres motifs
analogues, Le combat singulier débute de la même
façon, seulement, comme les adversaires n’ont à se
préoccuper que de leur propre personne, leurs évolutions
se succèdent plus rapidement et donnent
lieu à une escrime, où l’agilité, l’adresse et surtout
la puissance des poumons ont souvent plus de part
que le courage. Deux troupes de fantassins ronde™
liers s’avancent l’une vers l’autre. A partir de quinze
à dix-huit mètres, moyenne du jet efficace de la javeline
pour les fantassins, elles commencent à darder quelques
traits ; les plus hardis, tenant la javeline par le talon,
s’abordent, s’attaquent à coup d’estoc, et quelquefois
avant même qu’un seul homme tombe, une
des troupes bat en retraite devant l’ennemi, qui la