drapeau, ni guidon, ni fanion qui indiquât une unité
numérique à prendre pour base. Cependant, vu
1 étendue du terrain que nous occupions, et prenant
pour mesure approximative l’espace occupé par cent
hommes, j ’estimai à 27,000 le nombre de nos combattants;
ce qui, considérant les habitudes des armées
indigènes, impliquait que l’armée entière comptait
au moins 40,000 âmes.
Après une marche d’environ trois quarts d’heure,
nous fîmes halte près d’tm magnifique warka.
Lorsque les trompettes de notre arrière-garde nous
annoncèrent son approche, les timbaliers .battirent
au pillage, et à cette batterie impatiemment attendue,
les soldats s’élancèrent en poussant de grandes
clameurs. Les masses se rompirent, se disséminèrent
par bandes et disparurent derrière les plis du terrain;
nous entendions encore leurs çris, que nos
yeux ne les voyaient déjà plus. Le silence et la
solitude où nous restâmes étaient saisissants ; notre
armee s’était dissipée comme par enchantement,
laissant derrière elle le squelette d’un camp, les
femmes, les plus jeunes pages, les hommes sans
armes voués aux bas services, quelques chefs et le
Dedjazmatch, qui se retira sous sa tente plantée à
l’ombre du warka.
Le warka, le plus bel arbre de l’Éthiopie, ne
vient pas en pays deuga, et prospère surtout dans
les plus bas kouallas, ' où il atteint des dimensions
colossales. Partout où il se montre, il semble attirer
les troupes de voyageurs et les caravanes, qu’il
couvre d’une ombre épaisse et spacieuse.
Bientôt des colonnes de fumée s’élevant au loin,
nous annoncèrent que l’oeuvre de destruction commençait.
Je fis remarquer au Dedjazmatch que, dégarnis
comme nous l’étions, trois cents cavaliers gallas, bien
embusqués, pourraient nous enlever aisément, et que,
bien que nombreux, nos soldats seraient impuissants
I à regagner le Gojam | j’ajoutai qu’en Europe, une imprudence
pareille nous perdrait infailliblement. Le
Prince sourit de mes craintes et m’expliqua la façon
dont il conduisait la guerre.
Les Gallas .établis au sud de l’Abbaïe ne savent
faire que la guerre d’escarmouches, leur morcellement
en petites communautés hostiles les ayant accoutumés
à des engagements, où souvent le nombre
des combattants n’excède pas deux ou trois cents,
et, dans aucun cas, ne dépasse cinq à six mille. Ils
ignorent l’usage des armes à feu. Leur bouclier, rond
comme celui des Gojamites, est plus convexe, un peu
plus étroit et de meilleure qualité. Ils portent à la
ceinture un coutelas légèrement courbe, à deux tranchants,
dont la longueur varie entre 50 et 60 centimètres;
leur arme principale est une tragule ou javelot,
à fer large, d’une longueur qui varie entre 2 mètres
et 2 mètres 30. Ils excellent à lancer cette arme,
que quelques-uns de leurs cavaliers envoient jusqu’à
90 mètres de distance, dans les combats de
cavalerie, une distance de 40 à 50 mètres étant
considérée parmi eux comme une portéé ordinaire.
L’armement supérieur des Gojamites, et surtout la
vue de leurs bandes, relativement si nombreuses,
les portent toujours à fuir. Mais lorsque les envahisseurs
se dispersent pour le pillage, et surtout lorsqu’ils
commencent à rentrer avec leur butin, ils
font un retour offensif, et les harcellent jusqu’au
camp, profitant, pour les accabler parfois, de leur
ignorance du terrain. La sécurité des Gojamites dé