Monseigneur. Il se fit bravement tuer à son service.
Quelque temps après la journée de Konzoula, on
racontait encore dans le Dambya qu’un instant avant
la bataille j’étais passé, en compagnie de Monseigneur,
sur le front- de l’armée, une torche allumée
dans chaque main, en annonçant que j’allais charger
en tête, et que, si celle de la main droite s’étei-
gnait, notre victoire serait péniblement acquise et
l’on devrait së maintenir les uns contre les autres,
jusqu’à ce que ceux qui étaient décrétés de mort
parmi nous eussent accompli leur destin; que si,
au contraire, celle de gauche s’éteignait, il fallait
s’empresser d’avancer, afin que pas un de nos ennemis
ne pût nous échapper, Ces bruits étaient loin
de trouver créance auprès de tout le monde, et cependant
chacun les répétait, Il ne faudrait pas conclure
de là à la crédulité excessive et au peu d’intelligence
des Éthiopiens; en tous pays, les propositions
les plus incroyables s’accréditent aisément, pour un
temps du moins, Du reste, ma participation aux
événements quotidiens de la politique du pays et
la position que le Dedjazmatch me faisait à sa cour
allaient me faire connaître plus exactement, surtout
en Grojam et dans les provinces environnantes; et
comme c’est souvent sur les pas de l’erreur que la
vérité fait son chemin dans le monde, il était assez
naturel que la notoriété dont j’allais être l’objet
commençât ainsi un peu à rebours de la vérité.
Mes amis s’égayèrent beaucoup du caractère fabuleux
qu’on m’attribuait et qui m’expliqua du reste le
sentiment d’aversion que le Lidj lima avait manifesté
en me voyant.
Un timbalier proclama l’ordre de relâcher les
prisonniers, à l’exception d’un très-petit nombre de
notables, dont le- Prince et son fils jugèrent opportun
de s’assurer. Ces malheureux s’assemblèrent par petites
troupes aux abords du camp, selon la direction qu’ils
avaient à prendre pour rentrer chez eux; ils étaient,
comme ils le disent eux-mêmes, équipés en tueurs de
serpents, c’est-à-dire un bâton à la main et sans autre
vêtement que leur petite culotte et leur cordon de
chrétienté; pour se garantir du soleil et des mouches,
plusieurs se couvraient de feuillages. Comme d’ordinaire
, beaucoup s’enrôlèrent chez nous ; d’autres restèrent
chez des parents ou des amis qu’ils avaienf
dans notre camp, en attendant un jour plus propice
pour regagner leurs quartiers; car lorsque deux armées
ennemies se rapprochent, les paysans se réunissent en
armes pour garder les passages, et ils se vengent
cruellement quelquefois des exactions qu ils ont subies
la veille, Les Éthiopiens sont d’ailleurs très-curieux,
et les paysans les plus inoffensifs guetteront également
les fuyards, souvent même les hébergeront, pour le seul
plaisir d’entendre le récit de la bataille.
Dans les annales éthiopiennes, Konzoula figure
parmi les batailles peu meurtrières ; on évalua nos
pertes à environ 200 hommes tués ; on disait que
l’ennemi avait dû laisser 500 hommes sur le champ
de bataille, mais on pensait que nos cavaliers avaient
tué un nombre égal de fuyards,
Après souper, vers neuf ou dix heures du soir, le
Prince se fit amener les deux fils de Conefo, Il les
laissa debout et leur dit |*
m-wt- C’est vous, mes enfants, qui vous êtes fait cette
triste situation, et qui de plus m’avez réduit à en être
l’instrument. N’attribuez donc pas à ma rigueur le sort
que vous subissez. La politique du Bas, 1 attitude passive
du Dedjadj Oubié, uni d’intérêt pourtant avec