gnit en faisant parader son cheval et en criant :
0 moi, Birro ! seigneur du Dempto, du coureur
isabelle que rien n’arrête, voilà comment, je
relève mon écuyer !
Et, emmenant tous ses cavaliers, il continua sa
course jusqu’à son logement, laissant là son . suzerain
. L’usage voulait impérieusement qu’avant de se
retirer, il reconduisît le Ras jusqu’à sa porte, le
bouclier au bras en signe d’allégeance; il avait donc
commis une double infraction en frappant brutalement
son seigneur et en l’abandonnant sur le mail.
Le Ras ,se contenta de dire :
— Il vaut mieux que çe dadais soit parti; il ne
fait que désordonner le jeu.
La Waïzoro Manann, instruite sur le champ de
l’événement, gronda vertement son gendre par
message.
Le soir, ayant soupé comme d’habitude en compagnie
de ses commensaux et soldats favoris, il ht
évacuer sa grande hutte et resta seul avec son conseiller
intime Tiksa Méred, et son cheval Dempto.
La pièce n’était éclairée que par une braisière qui
flambait au milieu; dans le fond, Dempto mangeait
son orge, aux tintements argentins de sa sonnaille,
et Birro, accroupi sur un tapis à terre, tisonnait en
délibérant à voix basse avec Tiksa Méred, accroupi
aussi en face de lui, sur les suites probables de son
emportement du matin.
Les circonstances de cette soirée m’ont été racontées
si souvent qu’elles sont restées dans ma mémoire,
comme si j’en avais été le témoin.
Tiksa Méred, natif de l’Enneussé et âgé seulement
d’une trentaine d’années, jouissait déjà d’une réputation
de bravoure exceptionnelle acquise dans maint
combat. Birro l’avait fait Fit-worari de sa petite
armée, et bientôt après son conseiller le plus intime.
Méred, petit de taille, avait le teint presque aussi
clair que celui d’un Européen, la figure maigre,
expressive, intelligente, les manières distinguées,
l’élocution facile. Affable, subtil, résolu, fécond en
expédients et habile à se commander, il réunissait
tout ce qu’il fallait pour plaire à son maître, dont
il renforçait du reste l’autorité, en lui prêtant l’appui
de sa popularité et de sa nombreuse parentelle qui
faisaient de lui le notable le plus important de
l’Enneussé.
Quant au cheval Dempto, la fortune l’avait tiré
de l’obscurité à la même époque et aussi brusquement
que son maître. Sa taille était moyenne, sa
robe isabelle, ses crins noirs; bien croupé, gous-
sant, membru, court-jointé, lippu, orillard et fort en
boüche, il avait lé col long, le front large et de
grands yeux intelligents; sous l’homme il bégayait,
s’entablait et dépassait les meilleurs coureurs. Il était
cheval de somme, lorsqu’un petit chef du Gojam
le vit sous, sa charge, devina ses qualités, l’acheta
pour un prix insignifiant, l’engraissa et fut contraint
de le revendre à un riche seigneur. Celui-ci en fit
don, comme d’une merveille, à un ancien polémar-
que du Gojam qui attendait dans la ville d’asile
de Mota en Enneussé que sa fortune se relevât.
Birro Guoscho, en prenant possession du gouvernement
de l’Enneussé entendit parler de ce cheval, et
le propriétaire ayant refusé de le lui vendre, Birro
fit naître un prétexte et se l’appropria. Le clergé de
l’asile prit fait et cause pour le réfugié et expédia des
messagers à Dabra Tabor pour 'réclamer auprès du