miers et légitimes dépositaires de l’autorité, se groupent
et se réunissent, sous la pression d’une, nécessite
devenue commune, il semble que quelques élér
ments de l’autorité qui est dans chacun d’eux s’en
dégagent, s’agglomèrent et constituent comme une
puissance qui n attend plus désormais qu’une main
pour la diriger au profit de tous. Alors il s’en trouve
toujours un pour assumer insensiblement, et avant que
ses concitoyens ne la lui confèrent, la prépondérance,
puis 1 autorité, et pour prendre enfin le pouvoir, soit
en s appuyant sur ses aptitudes supérieures • ou sur
des circonstances propices, soit en profitant simplement
de cette propension qu’ont les hommes à se
décharger sur autrui des soins qui incombent à la
v ie , surtout de ceux qui résultent de la vie commune.
Ce pouvoir peut fonctionner longtemps sans
être défini, et se constituer de plus en plus fortement
par assises successives. Quelquefois il arrive aussi
qu une première opposition partielle le fasse mettre
en question : il est discuté; d’implicite qu’il était, il
devient explicite et, dès qu’il a traversé une pareille
epreuve, il est avoue, acclamé ou proclamé, et armé
enfin ostensiblement de son droit.
Mais en déférant ainsi le pouvoir, ces premiers
constituants, qu’ils soient ou non conscients du jour
précis de l’investiture qu’ils donnent, n’entendent
pas s être dépouillés, au profit de leur élu, de toute
1 autorité dont ils sont naturellement dépositaires,
mais bien n’en avoir fait qu’une cession, qu’une
délégation partielle, utile ou nécessaire, car le père
de la plus petite famille sent qu’il est roi, lui
aussi, ef cela, d’institution divine; et, à moins de
corruption, il n’accepterait pas - de se découronner
de ses propres mains. On comprend, d’après ce qui
précède, que les Éthiopiens disent qu’il est presque
toujours aussi imprudent de vouloir préci♦ser le
premier moment de l’existence des grands pouvoirs,
que de vouloir préciser le moment où l’âme entre
dans le corps de l’homme.
Ce pouvoir une fois institué, par la force des
choses, des familles voisines se réunissent aussi en
communautés; l’exemple gagne de proche en proche,
et les patrons, chefs ou petits suzerains de ces communes,
-ont bientôt à s’entendre et à aliéner à leur
tour une partie de leur autorité en faveur de l’un
d’entre eux, qu’ils arment de puissance pour la sauvegarde
de quelque nouvel intérêt collectif. Cette
hiérarchie, résultat souvent de l’état de guerre qu’elle
tend même à entretenir, s’agrandit et se complique
au gré des événements, des besoins sociaux, et de
ces humbles commencements sortiront quelquefois
de grandes unités politiques ou nationales. A ce
point encorè, la forme féodale se confond presque
avec la forme républicaine, puisque celle-ci se
base sur le suffrage et celle-là sur l’assentiment des
sujets. Mais lorsque le régime, féodal* solidarité
et dépendance hiérarchique de tous les citoyens
entre eux, fondées sur des besoins et des pactes
légitimes, se vicie et se pervertit; lorsque les pouvoirs,
se concentrant dans des foyers de plus en
plus grands, s’isolent et font disparaître les relations
proportionnelles, si importantes à conserver entre
le citoyen et l’autorité, l’individu se sent effacé par
les dimensions croissantes de l’édifice social, et il ne
tarde pas à se décourager; il se résigne, abandonne
sa part d’action et de concours, et la source des
pouvoirs achève de passer de la base au sommet.
Les chefs, se détournant alors de leur origine, vont