nant sous divers prétextes, il se-vit obligé de renvoyer
en Enneufsé la meilleure partie de ses troupes
qu’il ne pouvait nourrir à Dabra Tabor, et il
leur adjoignit un certain nombre d’hommes d’élite
qu’il avait détachés secrètement du service de plusieurs
seigneurs du Ras.
Ses ennemis -attendaient ce moment pour le perdre
avec plus de certitude; certains indices leur, avaient
fait croire que le Ras serait heureux que l’opinion
publique vînt le contraindre à disgracier le favori de
sa mère. En conséquence, ils attirèrent secrètement à
Dabra Tabor plusieurs de ses vassaux qui avaient
des plaintes à porter contre lui, ainsi que les chefs
de plusieurs villages que ses troupes indisciplinées
avaient maltraités en retournant à Enneufsé.
La Waïzoro et son gendre furent instruits de ces
menées, et Birro, bien moins rassuré que sa belle-*
mère, attendait avec anxiété qu’elles éclatassent, lorsqu’un
nouvel incident, tout en compliquant sa position,
contribua, pour le moment du moins, à le tirer
d’embarras.
Ses deux beaux-frères, les Dedjadjs Imam et Haïlo,
l’ayant invité à les joindre sur le mail, où, avec 150
ou 200 de leurs cavaliers, ils se livraient au jeu de
cannes, il saisit l’occasion de leur prouver que les
cavaliers du Gojam n’étaient pas, comme ils le prétendaient,
inférieurs à ceux du Bégamdir : il ordonna
à ses gens de se munir de bambous longs et forts au
lieu des légères cannes d’usage, et il parut bientôt à
la tête d’environ 300 chevaux.
Le Ras passionné pour ces exercices, apprenant
qu’un jeu animé était engagé et que les Gojamites
malmenaient fort ses frères, se rendit également
sur Je terrain avec un escadron d’élite, et après
avoir feint de se joindre au parti de Birro, il alla
se mettre dans le camp de ses frères. Birro, déjà
piqué de ce procédé, lança ses trois meilleurs cavaliers
pour rengager le jeu; ceux-ci chargèrent leurs
adversaires et tournèrent bride, entraînant après
eux 80 cavaliers du Ras qui s’efforçaient de les envelopper.
L’un de ces trois cavaliers était un nommé
Teumro Haïlou, qui devint plus tard un de mes
compagnons et un de mes plus chers amis. Il était
fils de Dedjazmatch, parent éloigné du Ras Ali ainsi
que du Fit-worari Birro, dont il était l’écuyer. En
fuyant, son cheval s’abattit, il roula à terre, et deux
des poursuivants, contrairement à toute courtoisie,
lui lancèrent leurs cannes en plein corps.
— Qui m’aime me suive I s’écria Birro.
Ses cavaliers se précipitent avec lui contre ceux
ft’Ali ; celui-ci accourt à la rescousse avec tout son
monde; des charges- animées s’entre-suivent, et le
Ras, trouvant Birro à bonne portée, lui lance sa canne
dans le dos. Birro furieux tourne bride et fond sur le
Ras en criant :
— A .vous, Monseigneur! parez, parez! Moi seigneur
de Dempto, moi Birro, le fils de Guoscho, je
ne vous lâcherai pas !
Le Ras se perdant dans ses parades se couvrit
la tête de son bouclier pour la mettre au moins à
l’abri, et il ne chercha plus qu’à surexciter le galop
de son cheval renommé pour sa vitesse. Mais Birro,
gagnant sur lui, au lieu D O . . de ' lui lancer sa cannev, la
prit par un bout et frappa le Ras plusieurs fois
sur son bouclier, avec si peu de ménagement, qu’il
en fit sauter les ornements. La stupéfaction fut
générale.
Birro tourna bride vers les siens et les rejoi