chants gourmandaient et encourageaient tour à tour
les bûcherons qui abattaient une dizaine de boeufs;
les hâteurs de rôt attisaient de grands feux et disposaient
la braise pour les grillades, et les comptables
de la viande surveillaient le dépècement, écartaient
à coups de verge pages, soldats et chiens faméliques.
On se poussait aux portes, sur la place; partout on
s’ébattait, on riait, on criait, on était content, et au-
dessus, comme un dais tournoyant, planaient d’innombrables
oiseaux de proie, faucons, buses, éper-
viers ou émouchets, qui sifflaient de joie aux apprêts
saignants de cette bombance. Lorsque quelques centaines
de convives furent entassés autour des tables
surchargées de pains et flanquées de distance en
distance de distributeurs debout, et que les divers
serviteurs bachiques, dégustateurs, transvaseurs,
échansons et comptables, avec leurs blanchets, vi-
dercomes, carafons, hanaps, cratères, gamelles,
calebasses et tout l’attirail hétérogène de la boisson,
se trouvèrent à leur poste,, auprès des jarres
d’hydromel, grandes à pouvoir noyer trois ou quatre
hommes, les timbaliers firent entendre la batterie
d’usage; une soixantaine de cuisinières défilant, majordome
en tête, vinrent déposer sur les tables des
mets fumants, et alors commença un festin qui se
prolongea bien avant dans la nuit, et qui formait
comme la clôture de cette campagne contre les Gallas.
CHAPITRE VIII
MAISON MILITAIRE ET CIVILE ü ’UN DEDJAZMATCH
Le petit bourg de Goudara consistait en une quarantaine
de grandes huttes rondes, groupées a mi-
côte sur le flanc oriental d’un roidillon couvert de
rochers noirs, durs, criblés de trous et hérissés de
pointes aiguës. Quelques huttes, irrégulièrement échelonnées,
comme si elles gravissaient la côte, aboutissaient
à un terre-plain sur lequel s’élevait, au milieu
d’un bouquet de grands et beaux arbres, l’église entourée
de son cimetière. L’extrémité nord de la colline,,
défendue par un fossé rocheux, se termine par une
étroite plate-forme sur laquelle se trouvaient les divers
bâtiments composant la demeure du Prince et de
sa femme, dont l’habitation était entouree d un clayonnage
épineux. Le reste de la plate-forme suffisait à
peine aux communs, à quelques huttes de gens du service,
et à une cour devant le grand pavillon de festin,
en face duquel une petite rampe tortueuse, composée
d’un culbutis de rochers en escaliers, conduisait au
pied du roidillon, où se trouvaient les cases des officiers,
des soldats et du personnel en service perma