de boire jusqu’à ce moment, excepté le. samedi et le
dimanche, où ils fopt deux repas. L’olive n’existant chez
eux qu’à l’état sauvage, ils la remplacent par une
graine oléagineuse nommée nouk, dont ils tirent une
huile désagréable, et, selon leur propre témoignage,
fort nuisible à la santé. Comme ils ne cultivent aur
cun fruit et presque pas de légumes, ils en sont réduits,
en temps de jeûne, à quelques sauces épaisses
composées de farine de pois chiches, de fèves ou
d’autres grains, et fortement .relevées d’épices qui les
aident à manger leur pain. Ils corrigent les mauvais
effets de pe régime en buvant d’une bière épaisse
nommée tchifkQ, faite avec de l’orge et d’autres grains;
les gens riches, qui ne boivent habituellement que dp
l’hydromel, font alors usage de cette bière, qu’on dit
être fort nourrissante. Quelques-uns, au mordent de
se mettre à table, boivent du miel auquel on n’a ajouté
que l’eau strictement nécessaire à la déglutition; et ils
prennent aussitôt leur repas, car le moindre retard
leur rendrait impossible toute ingestion nouvelle. Le
miel pris de cette façon fait supporter plus facilement
le jeune du lendemain. Les prêtres accordent la dispense
ou confirment sans difficulté les décisions individuelles
prises dans les cas dits d’urgence. Néanmoins,
on peut dire que la grande majorité des
Ethiopiens observe le jeûne du carême, celui d’une
quinzaine de jours en i’honneur de la sainte Vierge,
et celui du mercredi et du Vendredi de chaque semaine.
Les gens rigides s’astreignent de plus au jeûne
dit des Apôtres, qui dure près de deüx mois, et à d’qutreS
jeûnes dont l’ensemble forme près de la moitié de
l’année. Montesquieu attribuait aux jeûner des Ethiopiens
leur inférjqrité dans leurs guerres. contre les
Turcs. Mais ces derniers ont le jeûne rigoureux dû
Ramadan- P°nr mon compte, j’ai fait campagne avec
les Éthiopiens pendant plusieurs années; je les ai vus
combattre en carême et èn d’autres temps, et je n’ai
pas trouvé que les jours de jeûne leur valeur fût refroidie,
Ils supportent la faim, la soif, les longues
marches, avec une facilité telle que, s°ns la conduite
d’un chef habile, ils épuiseraient aisément une armée
turque, sans recourir au combat. Ayant encore moins
de besoins que l’Arabe, ils ont, comme lui, la faculté de
pouvoir passer sans transition de la famine aux excès
de l’abondance; mais ces qualités, si précieuses à la
guerre, ne suffisent pas à contrebalancer la grande
supériorité que les Turcs avaient du temps de Montesquieu,
et qu’ils ont encore aujourd’hui, par la quantité
et la qualité de leurs armes de guerre. Sans doute, le
courage, comme toutes les vertus, emprunte quelque'
chose à la nourriture; mais heureusement il puise son
existence à de plus nobles sources.
Cependant le carillon de l’église annonça la fin du
jeûpe ; les soldats, n’ayant pour se refaire qu’une nourriture
peu appétissante, passèrent une partie de la nuit
Ù boire.
Avant le jour, nous fûmes en route, et le soleil se
levait à peine quand nous atteignîmes le lieu du
combat. Une troupe de grands vautours nudicoles disputaient
à des hyènes quelques cadavres couches dans
l’herbe; A. notre approche, les hyènes s’enfuirent, les
Vautours s’envolèrent lourdement dans les arbres. L’un
dfeux, plqs grand encore que les autres, se jucha
en trébuchant à plusieurs reprises sur la couronne
d’un arbre élevé; là, rengorgé dans sa collerette
blanche tachée de sang, les ailes mi-ouvertes et immobiles,
présentant le poitrail à un premier rayon
de Soleil qui éclairait la cime, il semblait engourdi par