en tout auprès d’eux. Deux jours après, Fanta partit.
Cet envoyé commençait alors une fortune qu’il
devait tourner plus tard contre son maître. D’une
belle prestance et doué d’une parole facile, souple,
réservé, prudent, plein de ressources dans le conseil,
cauteleux, ambitieux quoique peu fait pour la guerre,
à la fois grave et spirituel, administrateur excellent,
cupide, mais généreux à propos, habile à enlacer
ceux qu’il voulait gagner, l’Àzzage Fanta était le
meilleur négociateur qu’on pût choisir.
Le Ras se montra prêt à oublier les torts de Birro,
mais il allégua ne pouvoir exposer sa soeur aux
intempéries d’un voyage que la saison où l’on était
rendait pénible même pour un homme; il la renverrait
au printemps, et, jusque-là, pour prouver au
Dedjadj Guoscho son désir de rester uni avec lui, il
investissait Birro des districts importants de l’Ibaba
et du Metcha, situés sur les frontières du Damote,
où il serait,davantage sous le contrôle paternel. Le
Dedjadj Guoscho accueillit cette faveur avec une défiance
que l’Azzage Fanta confirma pleinement à son
retour.. Néanmoins, Birro se rendit dans son nouveau
gouvernement, après être venu passer deux
jours à Goudara pour s’entendre avec son père.
Trois semaines plus tard, le Ras Ali accrut encore
les défiances, en conférant inopinément à Birro l’investiture
du gouvernement de Conefo.
Les motifs qu’il donnait ne déguisaient qu’imparfaitement
sa perfidie. Il ne pouvait se résoudre, disait-
il, à marcher contre les fils de son vassal regretté,
aveuglés par les conseils de notables ambitieux et
d’une armée turbulente ; et comme leur père, en mourant,
les avait recommandés au Dedjadj Guoscho, il
ne doutait pas qu’ils ne missent bas les armes devant la
volonté d’un si bon tuteur, pour céder la place à Birro,
qui, de son côté, ne pouvait manquer d’agir envers eux
comme un frère. Si son choix s’était détourné de tant
d’illustres candidats pour confier à Birro un gouvernement
si important, c’est qu’il se sentait assez généreux
pour lui prouver, ainsi qu’aux enfants dé Conefo,
qu’il oubliait les torts des fils en considération de son
affection pour les pèrês. Il comptait, du reste, que
son beau-frère surtout s’efforcerait, par ses loyaux
services, de dissiper le nuage qui s’était élevé entre eux.
La répugnance du Ras à marcher contre le Lidj
lima provenait bien moins de sa reconnaissance pour
les services de Conefo, que de l’humiliation qu’il éprouvait
à montrer que, malgré ses prétentions à la suzeraineté
sur toute l’Ethiopie, il en était réduit à prendre
lui-même les armes pour vaiider l’investiture d’une
province cdntigue à son domaine personnel. Les chefs
du parti musulman que le Fit-worari Birro avait offensés
par ses dédains durant la campagne en Idjôu,
voulaient profiter de la rancune assez légitime que le
Ras nourrissait contre lui pour le perdre, et pour perdre
du même coup le Dedjadj Guoscho, le Lidj lima, êt
amoindrir enfin l’ascendant de la Waïzoro Manann et du
parti ■chrétien en Bégamdir. Ils représentaient au Ras,
qui tenait encore au Dedjadj GuôsChô, que le moyen
d’éprouver la fidélité de ce prince était de donner le
Dambya à Birro. Ils espéraient ainsi déterminer le
Dedjazmatch à se coaliser ouvertement avec les fils
de Conefo, auquel cas le Ras serait dans l’obligation
de marcher contre eux; on bien, en engageant son
ahiour-propre paternel, ils espéraient le pousser à
livrer bataille à une armée nombreuse qui les gênait.
Si le Dedjadj Guoscho était vaincu, ce serait un ennemi
de moins pour eux; s’il était vainqueur, il se