petit nombre d’Européens. Depuis peu, la Société biblique
anglaise entretenait trois missionnaires allemands
à Adwa, dans le Tigraïe, où, grâce à des présents
considérables, le Dedjadj Oubié, prince régnant
dans le pays, leur permettait de séjourner; ses sujets,
du reste, tous schismatiques eutychiens, ne voyaient
aucun inconvénient à la présence de ces prédicateurs,
dont les croyances religieuses étaient si éloignées
des leurs. Un naturaliste allemand, envoyé par
une société scientifique de son pays, habitait également
Adwa. Ces quatre messieurs étaient, avec un
tailleur grec, et un officier allemand venu d’après
les conseils des missionnaires, les seuls Européens
alors dans le pays; aussi, l’arrivée de cinq Européens
fit-elle événement; et une foule considérable
se porta sur le quai pour nous voir débarquer.
L’aspect misérable des maisons de l’île, les soldats
turcs déguenillés, quelques canons rongés de rouille,
couchés sur des affûts en ruine, et l’aridité des grèves
offraient un triste spectacle. A l’horizon, du côté de
l’ouest, s’élevaient de grandes montagnes d’un bleu
sombre, que nous avions à franchir pour atteindre le
premier plateau éthiopien. Ce ne fut point sans un
serrement de coeur que nous prîmes terre.
A Moussawa, les indigènes parlent la langue Kacy
et ils nomment l’île Batzé. Les chrétiens du haut pays
l’appellent Mitwa; les gens de Dahlac, Miwa; enfin,
en langue arabe, on lui donne le nom de Moussawa,
qui est le plus généralement employé. La plus grande
longueur de l’île est dans le sens E.-N.-O. et O.-S.-O.;
cette .longueur est de 880 mètres, sur une largeur de
260. Le sol est composé d’un corail blanchâtre qui produit
une pierre cassante, aux formes sinueuses et tourmentées.
La plus grande élévation de cette île plate est
au nord du cimetière, où elle s’élève à 6 mètres, tandis
qu’à l’ouest le terrain s’abaisse jusqu’au niveau de la
mér, qui n’a que très-peu d’eau de ce côté. En approchant
de l’île, on aperçoit du côté de l’est, le capMé-
dir, garni d’un fortin armé de quatre pièces de 24 et
d’une de 12; puis vient un espace nu et stérile, où se
trouvent quelques citernes, la plupart en ruines, qui
se remplissent en quelques heures sous des pluies annuelles,
plus abondantes que régulières. Le cimetière
musulman est du côté du nord; les païens et les chrétiens
sont enterrés dans le petit îlot voisin de Touwa-
Ihout. Près du cimetière musulman, s’élève une mosquée
à double dôme, nommée Cheik el Hammal, où l’on
reconnaît le droit d’asile a tout homme, même chrétien
ou païen, qui, en s’y réfugiant, y a allumé une
bougie. Selon les Éthiopiens, cet édifice est l’ancienne
église dédiée à la Vierge Marie et bâtie par leur premier
apôtre Frumentius, dit par eux Abba Salama.
Lorsque Moussawa, enlevée à leur empire., tomba sous
la loi musulmane, l’église fut convertie en mosquée,
et les musulmans lui conservèrent son droit d asile
institué par son fondateur chrétien. La moitié de la
partie occidentale de l’île est couverte de maisons,
ou pour mieux dire de grandes huttes formées de
châssis revêtus de fortes nattes en feuilles de palmier,
et dont la toiture est le plus souvent recouverte de
chaume. Les habitants sont tous marchands; les plus
riches ont de grandes cours, où les trafiquants qua-
mènent les caravanes viennent déballer leurs marchandises.
Ces cours contiennent souvent un ou deux
petits bâtiments construits en pierre, bas, carrés et
sombres, qui servent de magasins.
Comme en Grèce, dans l’antiquité, chaque trafiquant,
à son arrivée dans l’île, est tenu de choisir un