uns de ces mont-forts, hauts de plusieurs centaines
de mètres, ont comme la forteresse de Koenigstein,
un sommet assez étendu, des sources et des terres
arables suffisantes pour nourrir une bonne garnison;
aussi les rebelles et les ambitieux ne négligent-
ils rien pour se procurer ces forteresses, dont la
plupart sont inexpugnables pour les troupes éthiopiennes.
Après avoir grimpé le long d’un sentier
raide, étroit et tortueux, il faut quelquefois se faire
hisser par une corde pour arriver à la plaine du
sommet; les débouchés de ces sentiers sont ordinairement
garnis de blocs de pierre, retenus par
des courroies qu’il suffit de couper pour écraser
les assaillants. Quelques mont-forts, dépourvus de
sources ou de terres arables, ne servent que comme
lieu de retraite passagère. Les principaux mont-
forts de l’Ethiopie sont dans FEnderta, le Lasta,
l’Idjou, le Samen, le Tagadé, le Wolkaïte, le Dam-
bya, le Wadla, le Wara-Himano, le Gojam. Parmi
les plus petits, on peut citer celui de Wohéni, près
de Gondar, espèce de colonne carrée et gigantesque,
haute de trois cents mètres; son sommet étroit
servait de prison pour les membres de la famille
impériale que la jalousie ombrageuse du souverain
y maintenait somptueusement pendant toute leur
vie. Dans des proportions plus restreintes encore,
ces curieux accidents de terrain ne forment plus
que des obélisques naturels, comme le mont Chamo,
en Begamdir, et l’on peut supposer que le souvenir
de ces aiguilles naturelles ait inspiré aux Égyptiens
l’idée de leurs obélisques, s’il est vrai, comme le
rapportent les anciens et comme le dit encore la
tradition, que l’Égypte ait été peuplée par des émigrants
de la Haute-Éthiopie.
Après cet aperçu de la configuration du pays,
j’essaierai, ‘ en suivant les données géographiques
recueillies par mon frère, d’en indiquer les frontières.
Cette tâche est d’autant plus difficile, que
les cartes et les renseignements à cet égard manquent,
et que les traditions sont vagues et malaisées
à contrôler; aussi, en cherchant à délimiter le
vieil empire d’Éthiopie, j’ai plutôt l’ambition de provoquer
des études à faire, que de bien donner les
noms et les directions des lignes de frontières,
avec la précision que demande la science en Europe.
Ce qui excusera d’ailleurs le vague de la délinéation
qui va suivre, c’est l’usage des peuples
africains de terminer un pays par une frontière indéfinie,
mobile , élastique. Un des caractères les
plus communs à ces peuples est de chercher l’isolement;
ils semblent redouter de confiner de près
avec une nation quelconque, et s’en séparent au
moyen de larges frontières formées par des hernes
ou terres abandonnées, dont le seul roi est la force,
suivant l’expression des indigènes ; si leur puissance
s’accroît, ils étendent la culture sur la lisière de
ces hernes, ravagent et dépeuplent la lisière opposée,
poussant ainsi, pour s’agrandir, le désert devant
eux. Les nations voisines usent de représailles, et
selon les fluctuations de ces guerres, qui ne finissent
quelquefois que longtemps après l’extinction
des générations qui les ont commencées, la ligne
frontière proprement dite se déplace continuellement;
enfin, la guerre, mal sporadique en Europe,
étant endémique_ sur le continent africain, il en résulte
naturellement que les frontières des États sont
toujours en état d’expansion ou de rétrécissement,
En Éthiopie, les limites indiquées par la nature