Ras. Birro les fit intercepter et battre; d’autres leur
succédèrent; le Ras ordonna la restitution, mais en
vain. Le Dedjadj Guoscho intervint sans- plus de
succès, et le moment 'd’entrer en campagne arrivant
sur ces entrefaites, Birro partit avec son cheval
qu’il nomma Dempto (retentissant).
Si je me suis étendu sur des particularités au
sujet de ces deux serviteurs du Fit-woravi, Birro
Guoscho, c’est que Dempto, si bien assorti avec son
maître, devait justifier le nom ambitieux qu’il en
avait reçu, et que Tiksa Méred, à cette époque, le
principal ouvrier de la fortune de Birro Guoscho,
devait en être une des plus éclatantes victimes.
Il se faisait tard; Birro cuvait encore ses colères,
lorsque le soldat qui gardait extérieurement la porte,
annonça discrètement un envoyé du Ras. Birro perdit
contenance.
— Vite, vite, dit Méred, que Monseigneur se couche
sur son alga et fasse le malade!
En même temps, il poussait la braisière auprès
de l’alga, et quand son maître fut convenablement
étendu, le visage tourné du côté de la muraille, ' il
introduisit le page du Ras en lui recommandant de
parler bas. Le message était ainsi conçu : « Com-
» ment as-tu passé la soirée? J’ai envie de revoir
» ton Dempto; envoie-le moi donc. Les yeux se
» rassasient vite de l’objet de nos fantaisies, et si
» dans quelques jours, tu regrettes encore ton cheval,
» je verrai à te le rendre. »
Birro, s’attendant à cette demande, avait résolu
de s’exposer à tout plutôt que de céder Dempto.
— Va, je te prie, t’incliner dé ma part devant
Monseigneur, répondit-il à Méred d’une voix affaiblie,
et dis-lui que.j’espèrê pouvoir aller demain en
personne lui faire hommage de mon cheval. Allez,
mes frères, et dites-lui l’état où vous me voyez.
Le Ras ne voulait pas attendre au lendemain;
mais l’adroit Méred lui représenta si vivement l’indisposition
de son maître, la satisfaction qu’il éprouverait
à lui offrir son présent en personne, et il
le cajola enfin si bien, qu’il obtint le ..délai demandé
et le laissa même de belle humeur.
Craignant l’indiscrétion des gens de sa maison,
parmi lesquels il pouvait se trouver quelque espion
du Ras, Birro contrefit le malade toute la nuit. Le
lendemain matin, il admit ses gens à déjeuner, parla
de son bon suzerain Ali, de Dempto, du successeur
qu’il devait lui donner, et, dans l’après-midi, il se
présenta, vêtu d’une toge de cérémonie, à la porte
du Ras, avec la pensée de gagner du temps, pendant
qu’il ferait agir sa belle-mère.
Quel que soit le rang qu’on occupe, à moins de
jouir des petites entrées, il est d’usage d’attendre
qu’un huissier vous annonce et vous introduise, Birro
voulut pénétrer tout d’abord; les huissiers, agacés
par son arrogance ou pressentant peut-être sa disgrâce
d’après des bruits de l’intérieur, le repoussèrent
de la main, et, d’une façon ou d’autre, sa
toge se trouva déchirée. .Birro se retira dans un
état d’irritation d’autant plus grande que les nombreux
seigneurs, rassemblés dans la cour, s’entre-
regardaient en souriant de sa déconvenue. Il envoya
prévenir sa belle-mère de l’affront public qu’il venait
de subir, et eelle-ci, pour couvrir cet échec et montrer
qu’elle improuvait la conduite de son fils, improvisa
un banquet dont Birro eut tous les honneurs.
De son côté, le Ras Ali affecta de réunir
pour une collation des seigneurs qu’on savait hos