piens sont rapaces ; mais les effets de l’éducation féodale
sont tels, que lorsque leur gouverneur a su se
faire aimer, il est arrivé qu’allant au devant de sa
détresse, ils l’ont engagé à livrer leur localité à un
pillage régulier.
Nos gens s’étant ravitaillés sans accident dans
les districts désignés, le Dedjadj Birro partit pour
Findja, résidence habituelle des Polémarques du Dam-
bya, après avoir obtenu que son père séjournerait
.dans les environs de Konzoula, afin de lui permettre
de se replier sur lui si le Ras Ali faisait irruption
en Dambya. Quinze jours lui suffisaient, disait-il,
pour fortifier ses avenues du côté du Bégamdir, réduire
quelques notables, échappés de Konzoula, qui parcouraient
déjà le pays en rebelles, gagner la coopération
de ses nouveaux sujets et nouer avec eux des intelligences
propres à conserver sa position.
Non loin de nous, dans le district d’Atchefer, se
trouvaient des sources chaudes très-efficaces, disait-on,
contre les douleurs rhumatismales et quelques autres
maladies. Dans un but ostensible de santé, mais au
fond pour voiler ses défiances à l’égard du Ras, et
donner un motif plausible à son séjour prolongé en
Dambya, Monseigneur jugea à propos de prendre les
eaux. Il porta notre camp sur le bord du plateau du
woïna-deuga et descendit, avec ses plus intimes
familiers, aux sources thermales situées dans un petit
koualla, à environ deux kilomètres, laissant le commandement
au Fit-worari Ymer Sahalou, et l’expédition
des affaires au Blata Teumro, son premier sénéchal.
Néanmoins il fut assailli de messagers des communes
les plus éloignées du Dambya et du Kouara, qui lui
demandaient de les protéger contre les exactions de
Birro, lequel, par suite de ses rapports équivoques
avec le Ras, leur paraissait devoir les gouverner sans
esprit d’avenir. Le Blata Teumro, ayant opiné contre
notre campagne, se donnait le malin plaisir d’inquiéter
son maître sur les suites de notre victoire en
lui adressant tous ces messagers.
Le Blata Teumro était un exemple remarquable de
ces natures richement douées et utiles à tous, mais
comme prédestinées aux déboires et aux ingratitudes.
Grand, laid, lourd et maladroit aux exercices de la
guerre, il était fin, spirituel et prudent jusqu’à paraître
avare, toujours calme quoique d’une activité
incessante, discret, très-équitable, courtois, et peu parleur
quoique d’une élocution élégante et lucide. Il
écoutait les plaintes avec une patience et un dévouement
admirables, et il inclinait de préférence vers les
opprimés. Comme administrateur, il n’avait d’égal que
notre Biarque Fanta, et, dans ce pays où rien ne s’écrit,
il faut des facultés exceptionnelles pour bien conduire
tous les détails d’un gouvernement de quelque importance.
Teumro était du petit nombre de ceux qui
avaient toujours fidèlement suivi la fortune du Dedjadj
Guoscho. Il était le pivot du conseil, de toutes les affaires,
et, par surcroît, il servait aussi de bouc émissaire;
beaucoup de nos gens ne l’appelaient pas autrement
que Hazazel (nom biblique de bouc émissaire) ; les soldats,
les notables, les paysans, manquaient rarement de
lui attribuer l’initiative des actes de rigueur ou des mesures
impopulaires émanant du conseil du Prince, et
cependant c’est à lui qu’ils s’adressaient toujours dans
leur détresse. Il était connu pour s’évertuer en faveur
de ses amis et de ses clients, et pour en être régulièrement
payé par la froideur ou la trahison. On l’a entendu
disant en aparté, après la sortie d’un homme
fort aimable* qui lui demandait un service : « Quel