demander leur sanction à l’autorité supérieure ; la
liberté ,et la dignité des citoyens étant frappées dans
leurs racines, la vie sociale languit' et s’étiole, et la
société n’échappe à l’anarchie qu’en recourant à un
gouvernement centralisé, refuge qui pourra lui procurer
encore de longs jours de repos, à la condition
que le pouvoir suprême y soit contenu par
des institutions modératrices, contrepoids nécessaires
sans lesquels aucun pouvoir, quel que soit son nom
ou sa forme, ne saurait prolonger sa durée. Car les
formes politiques les plus naturelles, les plus propres
à satisfaire les besoins et à garantir la dignité
de l’homme, aboutissent bientôt à l’asservissement,
pour peu que les citoyens négligent de faire respecter.
les droits primordiaux de la famille et ceux
de la commune, ou famille civile, qui entretiennent
leur respect d’eux-mêmes, le sentiment de leur
propre valeur, leur expérience des hommes, leur
préoccupation de la chose publique, et les sauve
de cette apathie civique qui développe l’égoïsme
et affaiblit le corps de la nation par de^ paralysies
locales.
Les Éthiopiens ignorent l’existence historique des
Pères Conscrits de Rome comme aussi celle d’autres
corps de patriciens dont les dénominations diverses
relevaient plus ou moins du mot Père, et qui ont
conduit les destinées de tant de nations en Europe.
Ils n’ont donc pu. se laisser séduire par les théovies
vraies ou fausses qui s’appuyent sur ces relations
de noms. Néanmoins, ils considèrent le pouvoir
ou son représentant, non comme un vainqueur,
comme un ennemi ayant un intérêt distinct, mais
comme le résumé des intérêts de la société et la
consécration politique la plus haute de la paternité.
Tout pouvoir qui n’a pas ces caractères est à leurs
yeux entaché d’illégitimité et inconciliable, par conséquent,
avec le bien-être | national. Quoique dans
leur société actuelle, depuis longtemps désordonnée,
l’autofite n’ait que des titres suspects, que de fois
ne leur ai-je pas entendu dire à leurs princes,
avant ou après quelque réclamation : « Nous venons
nous plaindre à toi, parce que tu es notre père? »
Les annales éthiopiennes les plus accréditées ont
été écrites par les annalistes des Empereurs (1).
Aussi, en bons courtisans r lorsqu’ils parlent des
nombreuses guerres intestines, traitent-ils indistinctement
d’égarés par le démon les adversaires, quels
qu’ils soient, de leurs maîtres innocents à toujours.
D’après les traditions, au contraire, la plupart
de ces guerres auraient été provoquées par les sub-,
tilités des légistes et les abus de pouvoir des Empereurs
ou des grands vassaux, par leurs attentats
aux libertés communales et provinciales. Il est à
croire que la nation eût péri par la conquête, si
elle n’eût été protégée par l’aridité de ses frontières,
la configuration de son territoire particulièrement
favorable à la résistance, par son climat et par sa
situation géographique à l’écart des routes suivies
par les peuples conquérants. Elle eût également péri
par l’anarchie ou par l’énervement qui succède à
une période de despotisme et de corruption, si elle'
ne fût constamment revenue à ses institutions primordiales,
et si son énergie n’eût été ravivée par
ses guerres civiles mêmes et par les" guerres étran-
(1) Grâce à de puissantes protections, j ’ai pu le premier en faire
prendre, copie, et si je n e 'fa is que mentionner leu r existence, c’est
q u ’elles ren tren t plus spécialement dans le cadre d’études que s’est imposé
mon frère, à qui je les ai données.
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