leur diamètre est d’environ cinquante centimètres, et
leur hauteur d’un décimètre et demi. Elles contiennent
de vingt à quarante feuilles de pain et servent
aux repas intimes qui n’exigent pas qu’on dresse une
table. Les plats sont posés à terre à côté de la corbeille;
le panetier s’agenouille auprès, déchire des
feuilles de pain, les imbibe de sauce et lés répartit
dans la corbeille devant les convives accroupis autour;
puis il retire des plats les mêts plus solides et
les portionne de la même façon. Le pain est fait de
proherbe.; on en délaie la farine jusqu’à la consistance
d’une crème, et, après l’avoir laissée fermenter,
on en verse une mesure dans un four de campagne,
en terre Cuite, très-peu profond et dont la sole est de
la même dimension que celle de la corbeille à pain. Ce
genre de confection donne un pain de forme circulaire,
d’un centimètre à peu près d’épaisseur, très-
léger, spongieux, sans croûte, rempli d’oeils et flexible,
comme une crêpe.
Excepté les jours de grand repas, le Dedjadj Birro
préférait être servi à la corbeille. Croyant que ces apprêts
étaient pour moi seul, j’alléguai mon peu d’envie
de manger, et Birro fit signe de tout enlever. Bientôt
après survint un homme dont l’entrée fit sensation :
les chefs se levèrent et ne se rassirent qu’après lui;
Birro l’accueillit amicalement et me dit :
*— Mikaël, voici mon chef d’avanfcgardej aime-le ;
c’est Tiksa-Méred, Un de mes meilleurs amis,
Et, s’adressant à son Fit-worari
— Toi, Méred, aime Mikaël comme Un autre moi-
même.
C’était la première fois que je Voyais ce favori
déjà célèbre; sa physionomie mobile ne me parût que
franche à demi,
Je viens savoir, dit-il, ce qu’a aujourd’hui Monseigneur,
qu’il a renvoyé sans y toucher son déjeuner?
— C’est Mikaël qui l’a ainsi voulu, dit Birro. Je
resterai jusqu’au dîner sur un burilé d’hydromel et
un bout de grillade que j’ai pris ce matin; quand il
aura faim, nous mangerons tous ensemble.
Comprenant alors la faute que j’avais faite, je
m’empressai de mettre mon appétit à sa disposition.
— Vous autres, là-bas! s’écria-t-il, qu’on nous
serve !
Quand il eut mangé, il distribua de sa main aux
soldats ce qui restait de la panerée; et le boire se
prolongea au milieu de conversations animées.
Mes gens furent logés chez des notables, et l’on
dressa pour moi une tente à côté de la hutte du
Prince.
— Fils de ma mère, me dit-il, je sais que tu n’aimes
pas dormir comme nous côte à côte avec tes amis ; tu
seras seul quand tu Le voudras, mais il faut que tu
soies assez près pour que je puisse m’assurer que tu
dors en paix. Si des rêves omineux viennent te troubler,
moi, ton frère, je serai là, auprès de toi; et quand
les soucis chasseront mon sommeil, j’irai me rasséréner
à tes côtés.
Je passai ainsi quelques semaines dans l’intimité
orageuse de ce Dedjazmatch. La nuit, il m’appelait ou
venait me réveiller pour m’entretenir de ses regrets,
de ses craintes ou de ses espérances : il me disait qu’il
Voulait tourner son père contre le Ras, dont il redoutait
de devenir captif, et il me demandait mon avis sur la
fidélité de tel ou de tel de ses chefs. Il parlait religion,
philosophie, guerre, poésie, chasse, médecine; d’amour
fort peu. À deux ou trois heures du matin, il prétendait
quelquefois que nous avions faim et il ordonnait