D’une année à une. autre, tel commensal peut, sans
transition, recevoir l’investiture d’un fief à trompettes.
Il faut enfin pourvoir les parasites et les
intrigants, qui, eu tous pays, affluent autour de la
puissance.
La Waïzoro Sahalou, qui gouvernait des fiefs
étendus, soumettait à son mari la nomination annuelle
d’un sénéchal de sa maison, de ses camé-
rières intimes, ainsi que des eunuques qui la gar-
daient. Du reste, elle répartissait comme elle l’entendait
les fiefs qui relevaient d’elle et nommait
elle-même à tous ï les offices de sa maison nombreuse,
qui, à l’exception de quelques fonctions purement
militaires, était en tout semblable à celle
du Dedjadj Guoscho.
Toutes ces fonctions, quoique ayant des attributions
régulières, sont élastiques, au point qu’un
chef de bande, un petit seigneur, même un simple
cavalier qui se, rend remarquable soit au Conseil,
soit sur le champ de bataille, peut obtenir un crédit
égal à celui du chef d’avant-garde ou du Grand
Sénéchal.
Les forces directement disponibles d’un Dedjaz-
match consistent dans ses diverses bandes de fusiliers,
de rondeliers et de cavaliers commandés par
ses Chalakas, la plus grande partie de l’armée étant
formée de troupes qui n’obéissent qu’à leurs seigneurs
respectifs. Tel Chalaka, par sa bravoure, ses
largesses ou son habileté à entraîner les hommes, portera
son contingent à 3 ou 4,000 combattants ; le mêlaient
de son successeur réduira cette même troupe à
quelques centaines d’hommes sans entrain. Il est donc
difficile de fixer l’effectif de ces bandes qui faisaient
le fond de la maison du Dedjadj Guoscho; ainsi, je
l’ai vu ranger en bataille une armée que j’estime à
plus de 35,000 combattants, et, quelques mois après,
les événements politiques et les désertions l’avaient
réduite à environ 12,000 hommes. Les Chalakas de
bandes, comme Cadoc brise-tête et Allain le pour-
fendeur, du temps de Philippe-Auguste, sont les fléaux
des provinces et quelquefois même de leur maître.
En campagne, leurs-soldats, comme toute l’armée,
vivent du butin; en temps de paix, ils reçoivent des
rations, ou bien ils parcourent la province par sections
pour y exercer le droit de logement et d’hébergement ;
les communes ou les seigneurs de fiefs se cotisent
souvent pour acheter leur abstention et obtenir qu’ils
aillent exercer un peu plus loin leur désastreux droit
de gîte.
La première ambition de ces soudards est de
grouper autour d’eux quelques compagnons ou quelques
recrues personnelles, et de'former ainsi un noyau
que leur réputation de bravoure, d’audace et d’insouciante
prodigalité peut augmenter jusqu’à les rendre
imposants. Ils ne thésaurisent presque jamais et dépensent
tout en largesses et en acquisition d’armes.
En temps de paix, la rapacité de la soldatesque est
contenue dans des bornes assez étroites; mais en
temps de trouble ou de guerre, leurs exactions deviennent
ruineuses pour tout ce qui n’est pas soldat.
Telle bande de 5 à 600 hommes qui ne comptait
qu’une quinzaine de cavaliers, après avoir parcouru
le pays pour sa subsistance pendant quelques semaines
seulement, rejoindra le camp avec une centaine de
chevaux provenant des exactions qu’elle vient de commettre.
Aussi,'dans les temps de trêve ou de .paix,
s’empresse-t-on de réduire leur effectif, si toutefois
quelques centeniers n’ont pas prévenu cette mesure