son s’abstinssent de relations avec tout étranger. Il
m’indiqua cependant le logement d’un lieutenant d’artillerie
chez qui je trouverais, croyait-il, des nouvelles
récentes de mon frère. En le remerciant, je ne pus
m’empêcher de lui dire combien son accueil aimable
me faisait regretter la défiance,injustifiable du gouverneur;
et je me dirigeai vers la demeure du lieutenant
d’artillerie, avec la pensée d’éprouVer jüsqu’oii
irait l’espècë d’interdit qui me frappait. Mais cet officier
me réconforta par sa cordiale réception : il mé
faisait chercher depuis la veille, et il insista pour me
retenir chez lui. J’eus beau refuser, dire que ma présence
pourrait le compromettre, il ne voulut rien entendre,
et il m’installa dans un charmant appartement
de son habitation.
J’appris alors que mon frère, après avoir passé quelque
temps à Aden, s’était embarqué pour l’Egypte, où il
espérait trouver des soins médicaux plus intelligents ;
qu’il était revenu à Aden, où, sous le prétexte qu’il
pourrait bien être un agent secret du gouvernement
français, le capitaine Heines lui avait suscité des difficultés
de toute nature, jusqu’à défendre aux officiers
d’entretenir des rapports avec lui ; qu’enfin mon frère
•avait cru opportun de s’éloigner et d’aller m’attendre à
Berberah, malgré le gouverneur, qui voulait empêcher
son embarquement, alléguant qu’il attendait à son sujet
des ordres de son gouvernement.
Mon hôte me dit que mon arrivée faisait sensation
; le bruit courait que, comme frère d’un
agent secret je devais être pour le moins un
homme dangereux; les officiers n’en croyaient rien,
mais le gouverneur profitait de l’occasion pour
exercer sur eux une pression qui, selon lui, dépassait
ses pouvoirs et contre laquelle il était très-heureux de
protester ostensiblement, ne fût-ce que pour la dignité
de l’épaulette.
J’envoyai une lettre à mon frère; le manque d’une
occasion pour Aden retarda sa réponse. J’eus à échanger
une correspondance avec le gouverneur pour
faire lever l’interdiction faite aux patrons de barques
indigènes de me recevoir à leur bord; et je m embarquai
pour Berberah, après avoir séjourné un mois
à Aden.
Je me séparai à regret de mon aimable hôte,
le lieutenant Ayrton, qui, de même que les autres
officiers de la garnison, ne douta pas un instant
du caractère de mon frère, mais qui n hésita
pas à manifester l’indépendance de Ses sympathies
pour un voyageur qui se dévouait au culte de la
science,
Après quatre jours de mer, nous mouillâmes dans
la partie rade-foraine de Berberah.
Berberah est situé dans le pays des Somaulis, sur
la côte d’Afrique, faisant face à celle d’Aden. Pendant
cinq mois de l’année, il s’y tient u n e foire alimentée
par les caravanes venant de l’intérieur, du
royaume de Harar surtout, et par les petits bâtiments'
arrivant de la Perse, de l’Inde, de Mascate, de Zanzibar
et de l’Arabie. Il s’y fait beaucoup d’affaires, vu
le commerce relativement assez restreint de ces parages;
la première caravane y arrive au commencement
de décembre, et la dernière en repart vers la
fin d’avril. A un jour fixé, les Somaulis, qui forment
sa population annuelle, abandonnant leurs campements
et leurs maisons en nattes, chargent leurs
femmes, leurs enfants et leurs ustensiles sur des chameaux,
et partent dans toutes les directions pour
l’intérieur; tous les navires reprennent la mer; et