avec des paroles insultantes pour son maître. Peu
après, le Dedjadj Conefo mourut; Haylou fit hommage
des carabines au Lidj lima, qui, pour s’acquitter
envers lui, l’engagea à l’accompagner dans sa
campagne contre nous, et lui promit que, sitôt notre
défaite, comme il comptait aller réduirel’Agaw-Médir,
pays riche en ivoire, il l’emmènerait avec lui et l’enrichirait.
Alléché par cette perspective, Haylou s’était
équipé en guerre, avait suivi son protecteur et avait ete
fait prisonnier. Quoiqu’il se fût debarrasse de tout ce
qui pouvait décéler sa position de fortune, jusqu a des
anneaux d’argent qu’il portait au doigt, un soldat le
reconnut au moment où, après le ban de libération,
il sortait du camp avec les autres prisonniers, et il fit
demander au Prince de récompenser ses services en
l’autorisant à rançonner un trafiquant. Mais en apprenant
que ce trafiquant était Haylou, le Prince se
le réserva pour lui-même, et fixa sa rançon à trente
carabines, dont deux fusils de rempart servant à la
chasse de l’éléphant, à cent coudées de velours écarlate,
à deux cents de drap-et cent onces doi. Haylou
jura qu’il avait donne pour la cause dllma le meil
leur de son bien et offrit très-peu de chose. On -le
mit à la torture, au moyen de petits tessons appliqués
sur ses poignets par dos liens mouilles, dont le retre-
cissement graduel amenait de cruelles douleurs; le
malheureux appelait la mort. Monseigneur voulut bien
consentir à relâcher le prisonnier moyennant caution
pour cinq carabines et une somme d’argent insi-
. gnifiante. Ce Haylou fut le seul prisonnier rançonné
à la suite de Konzoula.
Comme nos gens étaient à court de vivres, Birro
fit prévenir les habitants de deux districts des environs
que les soldats de son père iraient se ravitailler
chez eux. En pareil cas, les femmes se réfugient dans
les villages voisins avec les enfants, les valeurs mobilières
et le bétail ; les hommes, en armes, se rassem-
blent à l’écart et voient passer devant eux les troupes
de pillards sondant la campagne pour découvrir les
silos, et emportant les grains en consommation. Quelquefois
les soldats mettent le feu aux maisons. Si les
paysans sont en force, ils les attaquent, et la connaissance
du pays leur donne parfois l’avantage; mais
ordinairement ils préfèrent se rendre au camp, ou
ils intentent contre les coupables une action judiciaire.
L’arrière-garde des picoreurs a pour fonction de
prévenir ces combats en empêchant les incendies,
mais on se figure aisement que sa surveillance est
inefficace. En Ethiopie, comme dans 1 antiquité et
jusqu’à une époque récente même en Europe, il est
admis que la guerre doit nourrir la guerre. Comme
Birro le fit en cette occasion,.des Dedjazmatchs pillent
quelquefois leurs propres sujets, comme punition ou
par suite de quelque nécessite de guerre; seulement,
pour éviter l’effusion du sang, ils préviennent les
habitants, et, dans le cas de blessure, de mort d’homme
ou d’incendie, ils sévissent contre les coupables. La
fécondité du sol est telle que lorsque le pillage s effectue
sans combat ou sans incendie, et que la nécessité
du ravitaillement leur paraît évidente, les Cultivateurs
sont les premiers a excuser la mesure qui les
prive de leurs réserves alimentaires. Deux ou trois
mois plus tard, ils se présenteront devant le Polé-
marque pour lui demander une exemption temporaire
d’impôts, moyennant laquelle ils font renaître
- promptement l’abondance.
Comme tous les cultivateurs, les paysans éthio-
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