d’Oubié ? » Ta es en désaccord avec lui ? il n’y a pas
de mal à cela. Quand il viendrait te chercher ici, mes
fourrés sont assez épais pour te cacher, toi et toute ma
famille ; l’oiseau de proie même ne vous découvrirait
pas. Mes jarrets sont encore ceux de la panthère, et,
de nuit comme de jour, je saurais protéger votre retraite.
Quant à ton cheval, personne, n’y touchera ici. Et
ne descends pas à Moussawa, où les chaleurs de l’été te
fatigueraient. Reste dans l’hiver avec moi.
Je remerciai mon nouveau patron, et j’envoyai
des hommes sûrs à G-ondar, pour avertir le Lik Atskou
et me ramener Domingo et quelques effets laissés dans
ma maison. Je prévins mon frère de mon heureuse arrivée
à Digsa et de la sécurité dont j’y jouissais; et,
comme les chaleurs étaient excessives à Moussawa, je
rengageai à venir attendre auprès de moi, dans un climat
tempéré, l’arrivée de Domingo. Mais mon frère
préféra rester à Moussawa, afin de pouvoir explorer
les vestiges de la ville d’Adoulis et d’autres points
intéressants du bas pays environnant.
On me parla du petit hameau de Maharessate situé
à quatre kilomètres environ à l’Est de Digsa, dans la
zone où régnait l’hiver, et dont les environs déserts
abondaient en animaux sauvages. Le désir de chasser
et de m’affranchir de la. gêne qu’entraînait pour moi
la vie commune avec le Bahar Negach, m’engagea à
m’installer à Maharessate. Il n’était pas probable que
le Dedjadj Oubié m’y fît inquiéter ; mais en ma qualité
de protégé du Bahar Negach, je pouvais craindre ses
ennemis personnels ; et il n’en manquait pas. Aussi,
quand j’y fus établi, m’envoya-t-il un messager pour
me dire : « Mikaël, ne t’endors pas ! »
Domingo avait quitté G-ondar avec une grande caravane,
et, comme elle n’avançait qu’à petites jôür^
nées, il laissa mes gens et quelques effets sous la protection
d’un trafiquant, prit les devants et m’arriva à
Maharessate. Après lui avoir laissé le temps de se reposer
et de jouir du plaisir de converser en basque
avec Jean, je l’envoyai rejoindre mon frère à Moussawa.
Peu de jours après, je reçus l’avis que mon frère
était malade. Je laissai mes gens à Maharessate et je.
me rendis auprès de lui. Un éclat de capsule l’avait
blessé à l’oeil, et les suites de cet accident avaient pris
une gravité telle, que, sitôt mon arrivée à Moussawa,
il s’embarqua avec Domingo pour Aden, le lieu le plus
proche où l’on pût trouver un médecin. Il fut convenu
que j’irais le rejoindre.
Lorsque je retournai à Maharessate, une femme
d’un village voisin vint pour m’intéresser au -sort
de sa fille enlevée, disait-elle, par des maraudeurs
Sahos. Ses supplications faisaient peine à entendre.
Je mis en campagne mes amis Sahos : ils découvrirent
bientôt que la jeune fille vènait d’être vendue à
un trafiquant de Moussawa ; et comme aucun de ces
trafiquants n’eût voulu, revendre un esclave à un chrétien,
parce que c’eût été exposer l’esclave à abjurer l’islamisme,
je me rendis encore une fois à Moussawa, et
je me confiai au’Gouverneur. Le bon Aga me promit
de m’aider ; mais afin de ne pas blesser les sentiments
religieux de ses administrés, il évita d’agir ostensiblement
et me donna des moyens détournés d’atteindre
mon but. Le trafiquant comptait envoyer la jeune fille
au marché de la Mecque, avec une barcade d’autres
esclaves sur le point de partir. 'Aïdine Aga, prétextant
quelque fraude contre la douane, fit suspendre leur
départ; le trafiquant, comprenant à demi, consentit