votre maison, m’ont forcé de recueillir l’héritage de
votre père, que vous étiez insuffisants à défendre. J’ai
cherché à vous faire comprendre les exigences de
nos positions et le meilleur moyen de les concilier;
mais vous avez préféré, à ma sollicitude paternelle
pour vous, les instigations ambitieuses de vos coupables
conseillers. Les mêmes raisons qui m’ont contraint
à me porter contre vous m’obligent à m’assurer
de vos personnes jusqu’au jour, prochain sans doute,
où vous reprendrez une position digne de votre naissance.
Si le Ras refuse de vous pourvoir, vous grandirez
dans ma maison, avec Tessemma, car vous êtes
comme des fils pour moi aux yeux de toute l’Ethiopie.
Le jour où je me suis décidé à accepter pour Birro le
gouvernement du Dambya, j’ai dû prévoir ce moment-
pénible, et si je rappelle vos fautes,' c’èst poux vous
dire que je vous pardonne, et que nul plus que moi ne
s’efforcera dé rétablir votre fortune. AŸant d’avoir
atteint âge d’homme’, vous en subissez les rigueurs,
mais mon affection pour vous saura les adoucir; montrez
néanmoins, par votre contenance, que vous êtes-
les dignes fils de Conefo, et vos fers seront légers à
porter.
t Sur un signe du Prince, on fit entrer un forge-
. " î | « ron. Les chaînes qu’il tenait sous sa toge grincèrent;
les deux frères s’entre-aidèrent du regard et baissèrent
la tête, le Lidj Mokouannen l’oeil sec, et - le
Lidj lima, tout gonflé de larmes. On les fit asseoir
par terre, et on leur fixa à .chacun une chaîne au
poignet droit. Les assistants étaient touchés de compassion,
et, l’opération terminée, ils dirent l’un après
l’autre aux captifs : « Seigneurs, que Dieu délie vos
d chaînes ! » formule habituellement usitée en abordant
ou en quittant un homme enchaîné. Deux no-
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. A- “
tables chargés de la garde des deux frères les emmenèrent,
et le Prince et ses familiers prolongèrent
la veillée, mais sans reprendre leur gaîté habituelle.
En Ethiopiej la détention permanente n’est appliquée
qu’aux crimes ou délits politiques ; dans
presque tous les autres cas, elle n’est que préventive.
Comme f ’obligation d’arrêter un criminel incombe
à tout citoyen ; que le droit de juger au civil peut être
attribué à presque tous ; que l’homme de guerre,
investi de préférence de ce droit, est sujet à des déplacements
fréquents ; de plus, comme les bâtiments sont
trop peu solides pour résister à la mpindre tentative
d’évasion, on a pourvu à cet état de choses par l’usage
d’emmenoter le prisonnier et de. le garder à
vue ou de le lier à un gardien; la relégation proprement
dite n’existe pas. Une chaîne longue de deux
coudées environ, terminée à . chaque extrémité par
un fort anneau, est fixée par un bout au poignet droit
du prisonnier et par l’autre au poignet gauche de son
gardien. Cette espèce de prison vivante et ambulante
a l’avantage de soustraire le prisonnier, s’il, est coupable,
à un isolement dépravant; et s’il est innocent,
elle le soumet à une position fâcheuse, il est
vrai, mais qui ne porte à sa dignité qu’une atteinte
légère. Le captif volontaire vivant à côté d’un coupable,
l’empêche de se confirmer dans sa perversité,
et contribue à faire germer en lui le repentir ou
le remords. Le prévenu éprouve d’ailleurs une difficulté
plus grande à dissimuler sa faute, et quelle
que soit son irritation contre un homme ou contre
la société, elle tend à s’adoucir par le contact avec
ses concitoyens. Un homme enchaîné attire l’attention
de tous ; chacun s’informe de la cause de son
arrestation, on s’approche de lui, on le questionne en