en passant au service de quelque Polémarque voisin,
non sans avoir pillé, chemin faisant, les villages du
maître qu’ils désertent.
Pour parer à ces inconvénients, le Dedjadj Guos-
cho s’était appliqué à former la bande des Eka-Bets
de soldats d’élite natifs du Damote et du Gojam, et cette
troupe fidèle contenait efficacement les velléités de
désordre des autres bandes. Toutes ces bandes étaient
la terreur des cultivateurs. Quelquefois une ou plusieurs
communes prenaient les armes pour résister
à leur insolence ou à leurs exactions, et le parti
vaincu députait auprès du Dedjazmatch quelques-
uns des siens, qui allaient déployer devant lui les
toges sanglantes des blessés ou des morts et lui
demander justice.
Ces bandés, qui constituent la force directement
aux ordres du Dedjazmatch, ne reçoivent, comme on
vient de le voir, qu’une paye minime, et sont entretenues
par subventions en nature, lorsqu’elles ne sont
pas réparties en subsistance dans les districts, dits
yé-guébétas (terres domaniales du Polémarque). Elles
exercent aussi un droit de logement et d’bébergernent
sur presque toutes les terres de la mouvance du Dedjazmatch.
De même que ceux qui s’enrôlent au service des
titulaires de fiefs, ces soldats sont regardés comme
engagés pour l’année. Si, l’année suivante, l’investiture
est confirmée au même titulaire, il est loisible
aux soldats de prendre leur congé. Ceux qui s’enrôlent
au moment d’une campagne, au service de
possesseurs d’alleux, de majorais ou de fiefs héréditaires,
ne sont regardés comme engagés que pour la
durée de la campagne, et, dès qu’elle est terminée, ils
peuvent se retirer avec leurs armes, bagages et montures,
qui sont toujours leur propriété personnelle.
Les fusiliers seuls sont tenus de remettre leurs carabines
à leur maître.
Les désertions sont assez fréquentes. Lorsque la
désertion a lieu au commencement d’une campagne,
les coupables sont dépouillés de leurs armes et bagages,
et quelquefois même punis du fouet. La désertion
en face de l’ennemi est punie quelquefois par
l’amputation de la main ou du pied.
Ce qu’on pourrait appeler le cadre de l’armée est
formé par les possesseurs d’alleux, tant nobles que
roturiers, et un certain nombre d’hommes de toute
provenance, qui se sont inféodés à la fortune du Dedjazmatch.
Lorsque le Dedjazmatch passe du gouvernement
d’une province à celui d’une autre, il n’emmène
avec lui que ces derniers, qui forment le noyau
autour duquel se grouperont ies seigneurs de la province
dont il va prendre le gouvernement. Chaque
Dedjazmatch, chaque hobereau même, entretient un
certain nombre de suivants, tant soldats que notables,
de cette catégorie, sur lesquels l ’usage leur accorde des
droits d’une durée bien plus grande que sur leurs autres
soldats. Ces comités, ou compains, vivent dans une
dépendance qui, pour être volontairement consentie,
ne leur devient pas moins quelquefois fort à charge ;
heureusement, l’opinion publique tempère presque
toujours la prétention du maître à exiger une fidélité
perpétuelle. Ils partagent en toutes choses sa fortune,
et, lorsqu’il est dans l’adversité, ils font souvent preuve
d’un dévouement qu’on trouve rarement ailleurs.
Tout chef militaire exerce sur ses subordonnés un
droit de basse justice, comme tout fivatier sur les
habitants de son fief. Mais leurs jugements sont soumis
à l’appel hiérarchique, qui, au besoin, les fait