habitant qui lui sert de patron, préside à ses transactions
et perçoit de légers droits. Durant les deux ou
trois mois dits d’hiver, seule époque où quelque fraîcheur
se fasse sentir, les indigènes aisés habitent des
maisons en pierre, à un étage; ils vivent le reste du
temps sous leurs huttes de nattes, qu’ils construisent
quelquefois sur des pilotis plantés dans la mer afin de
jouir des rares brises de l’été. La marée, qui ne monte
pas au delà d’un pied, et les vagues, qui ne sont que de
»légères ondulations, n’incommodent aucunement ces
humbles demeures. Comme les bêtes de somme n’entrent
pas à Moussawa, la boue et la poussière y sont
très-rares. Le gouverneur habite une assez grande
maison en pierre, à un étage, et couverte d’une terrasse
encombrée de huttes en nattes destinées à ses femmes.
Cette maison contient la salle du Divan, où il siège
presque toute la journée; elle, longe une petite place
informe qui s’étend jusqu’au débarcadère, situé au
nord de l’île et défendu en apparence par une demi-
* douzaine de canons en mauvais état. Le port, protégé
contre les vents du sud par l’île même, et de ceux du
nord par le cap Abd el Kader, a vingt pieds d’eau et
un bon fond d’ancrage. Vis-à-vis le. débarcadère et à
l’O.-N.-O. se trouve le cap Guérar, jetée artificielle,
longue d’une centaine de mètres et attenant à la terre
ferme à 500 mètres environ de l’île ; c’est par là surtout
que Moussawa communique avec le continent; c’est
par là aussi que la plupart des habitants aisés passent
chaque soir en se retirant à Ommokoullo, village composé
de huttes éparses et situé à une heure de la jetée
de Guérar. Ils s’y rendent pour respirer un air qu’ils
disent plus salubre et pour y être plus à l’aise que dans
leurs demeures de l’île, où, à cause de la sonorité de
l’atmosphère et de l’agglomération des maisons, ils ne
peuvent presque rien cacher de leurs discours ni de
leurs actions les plus intimes; à la pointe du jour, ils
reviennent dans l’île pour leurs affaires. Les indigènes
évaluent à 1,800 ou 2,000 âmes la population de l’île;
.aux époques des arrivées des caravanes, cette population
s’accroît souvent de plus de moitié. Le sol nu et
calciné réverbère la chaleur et la rend si intense que
les indigènes même suspendent les affaires vers le milieu
du jour; les rues sont alors désertes. Comme l’eau
des citernes est insuffisante, les gens de Dohono en
apportent journellement au moins 2,000 outres, environ
700 hectolitres, mais cette eau est' saumâtre et
désagréable pour un Européen; les gens aisés font
venir leur provision du village d’Ommokoullo. Dans
le bazar, on entend parler la langue indigène ou kacy,,
Y arabe, Yafar, le bidja, Yamarign’a, le tigré, le saho,
le galligna, Yhindoustani, 1 eskipitare et le turc, sans
compter les langues 'plus nombreuses encore parlées
par les esclaves originaires des divers pays de l’Afrique
centrale. Bon nombre des natifs de Moussawa tirent
vanité de leur descendance arabe; leur teint foncé
décèle en tout cas une race mélangée; l’expression
astucieuse et vile qu’impriment à leurs traits leurs
habitudes efféminées et leurs pensées toujours tendues
vers le lucre, dispose peu ep. leur faveur. Ils ont le
corps chétif, épuisé par les chaleurs et l’inconduite.
Ils portent des turbans blancs, des caftans de couleurs
vivës et ordinairement en étoffe de coton très-légère;
leurs pieds sont chaussés d’une espèce de sandale particulière
à Moussawa; la plupart jouent avec un chapelet
musulman dont les grains servent à leur arithmétique
commerciale beaucoup plus qu’à leurs prières;
durant l’été,.tous agitent un éventail fait de feuilles de
palmier, en forme de guidon. Les femmes, strictement