Tekla-Haïmanote ou de Notre-Dame-de-Miel (la Sainte
Vierge).
Les ecclésiastiques, en toge bien nette et en turban
blanc, s’empressent vers leurs églises, où les clercs
chantent déjà les offices à tue-téte. Les enfants sortent
des écoles en criant. Aux divers plaids, les
avocats plaident leurs derniers moyens, s’efforcent de
retenir encore l’assemblée; les juges s’empressent de
prononcer la sentence ou la remise à' huitaine. Le
travail cesse partout. Sur les chemins qui conduisent
à la ville, on voit arriver les voyageurs à pied, à
cheval, et des femmes à la file, courbées sous des
charges de ramilles ou de petit bois qu’elles ont
passé la journée à ramasser. Le tintement des cloches
annonce la fin des offices; les rues se dépeuplent;
chacun s’est réfugié chez soi, pour y prendre
sa première gorgée, son premier morceau. Il est
quatre, cinq ou même six heures du soir. Les animaux,
reviennent des pacages et se dispersent joyeusement
pour rentrer au logis, les bêtes de somme
hennissant, les vaches beuglant à l’approche de leur
géniture.
Tels sont les derniers bruits de la journée. Quelquefois,
une bande de soldats arrive en logement :
les habitants rentrent et barrent leurs portes; la rue
reste aux étrangers et à ceux, qui se sentent disposés
à la querelle.
Les premières clameurs partent ordinairement
des maisons des courtisanes ou de celles des femmes
qui débitent le bouza ou l’eau-de-vie; les gens du
Kantiba tentent quelquefois de rétablir l’ordre, mais
lorsque les étrangers sont trop nombreux ou qu’ils
relèvent de quelque favori du Ras, on les laisse s’arranger
avec les habitants,
Après un peu de bruit, on finit par s’entendre et
répartir les étrangers en logement.
Le soleil disparait; la ville se repose; seuls, les
détrousseurs ou les coureurs d’aventures se glissent
dans l’ombre ; bientôt, les hyènes leur succèdent, et,
si l’on se réveille pendant la nuit, on n’entend
que leurs hurlements sinistres mêlés à leur rire
étrange.