serait affaibli par sa victoire même, puisqu’il aurait
dispersé l’armée du Conefo, qui ne demandait qu’à
faire cause commune avec lui. De plus, Birro, que le
Ras, sans l’avouer, tenait surtout à atteindre, en prenant
possession du gouvernement du Dambya, province
ouverte et contiguë au Bégamdir, se trouverait
ainsi à la discrétion du Ras. Ils cherchaient fort justement,
à leur point de vue, à précipiter ces événements,
afin d’empêcher une coalition présumable entre
le Dedjadj Guoscho, le Lidj lima et le Dedjadj Oubié,
que son indécision seule empêchait de se joindre à la
ligue chrétienne, dont les forces réunies pouvaient
presque sans combat balayer du Bégamdir la puissance
du Ras, qui ne devait sa durée qu’à la division
du parti chrétien.
Sitôt que le Lidj lima fut informé de la publication
à Dabra Tabor du ban qui investissait Birro
du gouvernement du Dambya et de l’Àgaw Médir,
il offrit au Dedjadj Guoscho de se mettre sous ses
ordres pour marcher incontinent contre le Ras qu’ils
pouvaient combattre avec avantage en l’attaquant à
l’improviste;
La position du Dedjadj Guoscho devenait embarrassante.
Malgré le ban publié à Dabra Tabor, Birro
était impuissant à prendre sans aide possession de
son investiture que l’armée de Gonefo ne. céderait
pas sans combat; et s’il refusait d’aller installer son
fils en Dambya, il froissait l’ambition de ce dernier,
rompait avec le Ras, se réduisait à marcher, contre
lui avec lima; et dans le cas où le sort des armes
leur serait favorable, l’ambitieux Dedjadj Oubié ne
manquerait pas l’occasion de l’attaquer avec son
armée déjà prêté, sans lui laisser le temps de réunir
les ressources militaires des provinces nouvellement
conquises. D’autre part, s’il battait l’armée d’Ilma, il
détruisait une force imposante, prête, à servir ses
propres desseins, et dont la connivence éventuelle
réduisait actuellement le Ras à compter avec lui.
D’ailleurs Birro, en possession de son nouveau gouvernement,
serait contraint de séjourner loin de lui
en Dambya, où il serait en butte à l’hostilité de
vassaux mécontents du dépouillement de leur bien-
aimé Conefo, et à la discrétion du Ras qui, avec sa
nombreuse cavalerie, pourrait l’atteindre à l’impro-
viste en une seule nuit. Enfin, s’il échouait devant
l’armée d’Ilma, un peu plus nombreuse que la sienne, •
et la plus aguerrie de l’Éthiopie, il se ruinait, confirmait
la position du Ras en le débarrassant de
lui, et il justifiait l’opinion publique contraire à la
dépossession de ses pupilles, sans sauver ces jeunes
princes contre lesquels le Ras marcherait le lendemain.
Parmi ses conseillers, quelques-uns, mettant en
première ligne l’intérêt de sa gloire, voulaient que
plutôt que d’encourir les reproches d’orphelins qui
lui étaient confiés, il affrontât les péripéties d’une
lutte inégale contre le Ras; mais la majorité du conseil
soutenait spécieusement l’opportunité d’une conduite
opposée. Les fils de Conefo pouvaient céder à la
première sommation du Prince : dans ce cas, il les
abriterait chez lui, en attendant des circonstances
meilleures ; si au contraire il était réduit à les dompter
par les armes, il les recueillerait de même, car s’il
refusait de les déposséder en faveur de Birro, le Ras
marcherait lui-même peut-être contre eux, et il était
préférable que le Dedjadj Guoscho se chargeât de
ce soin, afin d’éviter au moins à ses pupilles le
danger de tomber en d’autres mains. Pour ce qui