* gères d’autant plus fréquentes qu’elles semblent
avoir été provoquées par un sentiment national exclusif,
. d’une susceptibilité d’autant plus continue
que sa tradition et sa foi religieuse lui faisaient regarder
comme ennemis permanents ses voisins, tous
païens ou musulmans.. Il esj, des nations qui se
perdent par la guerre; il en est qui trouvent en
elle un remède. héroïque ou même une des conditions
de leur durée ; mais elles ne la 'font pas
longtemps pour des idées politiques, toujours un
peu abstraites; il leur faut des idées d’un ordre
concret, accessibles à la fois aux intelligences les
plus humbles comme les plus élevées. Les Éthiopiens
ont eu la fortune de trouver dans leurs institutions
à la fois domestiques et civiles un motif
■d’attachement invariable à une forme politique bien
imparfaite, il est vrai, mais qui a eu du moins le
mérite, de concert avec les idées religieuses,, les
* seules d’un ordre abstrait qui puissent longtemps
captiver l’affection d’un peuple, de tenir leur patriotisme
en haleine depuis des siècles et de maintenir
à peu près du moins leur cohésion nationale.
Dans leur ordonnance sociale, les Éthiopiens semblent
avoir eu pour préoccupation de restreindre l’autorité
dans-son étendue et dans son intensité, et d’attacher
la responsabilité à toutes les fonctions. Plus
la répartition des pouvoirs est grande, plus leur
équilibre est facile, et moins la tyrannie a de chance
de durée. Comme tous les pays, même cetix où les
pouvoirs .sont les plus répartis, l’Ëthiopie a vu s’élever
des despotes, mais ils n’ont pu étouffer les
éclats de la conscience publique et briser complètement
les résistances locales; quant aux petits
tyrans, la commune les étrçignait dans des limites
trop étroites pour qu’ils devinssent longtemps dangereux.
Les tyrannies les plus funestes ’sont celles
qui s’exercent ' sur les grands espaces de territoire
et sur un grand nombre d’hommes. Le tyran peut
alors comploter à l’écart et surprendre d’autant plus,
que ses coups partent de loin, et qu’ignorant l’effort
qu’ils ont souvent coûté, les sujets s’exagèrent
encore la puissance qui les frappe et achèvent ainsi
de se dépouiller eux-mêmes du sentiment de leurs
droits et de celui de leur propr'e importance. A en
croire les traditions, les interrègnes, les guerres civiles
et les périodes d’anarchie ont été promptement
suivis de retours à l’ordre. Ces phénomènes seraient
surprenants, n ’était la considération que l’ordre et
l’autorité sont surtout vivaces dans les pays régis
par les us et coutumes,- lesquels puisent leur sanction
et leur force dans le culte des aïeux et dans
la conscience publique formée en grande partie par
les traditions. Le joug des lois décrétées et écrites
est d’une nature immuable ou tout au moins peu
mobile; celui des traditions de la conscience publique
reste en rapport avec les mouvements de la
vie sociale, s’adapte aux différentes conjonctures de
temps, de lieu, dirige à la fois les moeuArs èt les lois,
tend à maintenir l’harmonie entre elles et intéresse
à leur maintien les sujets, qui sentent qu’ils en sont
les gardiens intéressés et responsables. Comme tout
ce qui procède des hommes, l’opinion publique erre
quelquefois, et déplorablement, mais aussi, lorsqu’elle
part de principes vrais, eile revient et se reforme
d’elle-même au gré des progrès qui s’accomplissent,
les iois qu’elle dicte, restant comme soumises à une
délibération perpétuelle.
A leur avènement, les Atsés faisaient le serment