en renvoyer un autre à ses fils. Il leur avait adressé
des promesses et des encouragements ; mais il ne leur
accordait ni le ban d’investiture ni le droit de déport,
et ces deux jeunes gens, entourés de l’armée de leur
père, attendaient dans une attitude hostile. Ces événements
tenaient en suspens presque toute l’Ethiopie,
et plus particulièrement le Dambya, l’Agaw-Médir,
le Damote et le Gojam, c’est-à-dire, après le Bégamdir
les pays les plus étendus de la mouvance du Ras.
En présence de ces graves préoccupations, la
mésintelligence entre le Ras Ali et son Fit-worari
perdait.de son importance. Néanmoins, la Waïzoro
Manann, voyant le chagrin de sa fille qui dépérissait
de jour en jour, fit proposer au Dedjadj Guoscho de
se porter en médiateur entre le Ras et Birro. Le Ras
accepta cette médiation, et, de' concert avec sa mère,
il invita le Dedjadj Guoscho à venir sur-le-champ à
Dabra Tabor, afin de s’entendre au sujet de Birro et
sur la meilleure conduite à tenir dans les circonstances
importantes où le pays se trouvait. Birro supplia son
père de ne point commettre sa personne chez leur
suzerain qui méditait, disait-il, de les envelopper dans
une commune disgrâce ; et en même temps qu’il le
poussait à se déclarer indépendant, il activait pour son
compte ses préparatifs de rébellion. Quoiqu’il fût le
moins important parmi les personnages alors en vue, le
bruit se faisait surtout autour de son nom et semblait
l’annoncer comme le principal acteur dans les événements
qui allaient suivre. La manière imprévue dont il
avait été en quelque sorte imposé à son père, au Ras
et même à la Waïzoro Manann, ses succès si rapides
remportés en dehors des règles ordinaires de la prudence,
l’impunité avec laquelle il avait pu agir, comme
On l’a vu, au milieu de l’armée du Ras et à sa cour, la
façon dont il semblait peser en toute circonstance et.
son peu de ménagement envers les puissants, tout concourait
à surprendre ; et les Éthiopiens, habitués à
rapporter à Dieu ce qui leur paraît incompréhensible,
disaient que Birro, sans appui parmi les hommes,
devait être quelque instrument de la volonté divine.
Le Dedjadj Guoscho voulut se rendre immédiatement
à l’invitation de son suzerain, mais ses conseillers
et notables furent unanimes à s’y opposer. L’un
d’eux, l’Azzage Fanta, Biarque du Damote, fut choisi
comme envoyé auprès d’Ali et de sa mère, pour leur
représenter- que le voyage du Dedjazmatch à Dabra
Tabor, au plus fort de l’hiver, prêterait aux événements
une importance exagérée, et, loin de rassurer
le pays, l’inquiéterait ; que le Dedjazmatch répondait
de la conduite et des actes de Birro jusqu’au
printemps, époque à laquelle il irait s’entendre avec
eux, et que, jusque là, il convenait, selon lui, de ne
pas. tenir séparé Birro de sa jeune femme; qu’on
pouvait la confier à l’Azzage Fanta, et que lui-
même veillerait sur elle, comme sur sa propre fille.
Le but de sa mission était de démêler les intentions
secrètes du Ras à l’égard du Dedjadj Guoscho,
comme aussi à l’égard des fils de Conefo, et si
enfin, comme on le disait, le Ras serait bien aise
de rompre le mariage de sa soeur avec Birro. Il devait,
à tout prix, obtenir que la jeune femme fût
renvoyée à son mari. Il devait en outre s’assurer
de la sincérité des encouragements que la Waïzoro
Manann faisait tenir secrètement à Birro.
Le Dedjazmatch prévint le Ras Ali et sa mère,
par un messager spécial, qu’il leur envoyait l’Azzage
Fanta, un de ses plus intimes conseillers, pour
leur expliquer toute sa pensée et pour le suppléer