* .
tiles au Fit-worari. La soirée se passa ainsi. Vers
minuit, Birro fit discrètement rassembler ses cavaliers
à une petite distance de Dabra Tabor, et il
partit avec eux pour son gouvernement. Ce départ
furtif constituait une rébellion. Le Ras se plaignit
ouvertement de la partialité de sa mere et la rendit
responsable du mépris de son autorité, quoiqu’elle
eût, pour dissimuler sa complicité, refusé à Birro de
lui laisser emmener sa femme. Le Ras fit garder
celle-ci par ses eunuques, afin de prévenir au moins
sa fuite.
Birro arriva en Gojam lorsque nous y rentrions,
de retour de notre campagne contre les Gallas.
Il envoya en présent au Ras deux beaux chevaux.
Il chercha à pallier la brusquerie de son départ
en faisant représenter à son suzerain combien
il avait été découragé par la brutalité inouïe dont il
avait été publiquement victime de la part des huissiers,
et il appuya sur ce que, en toute occurrence,
sa vive affection pour la Waïzoro Oubdar ferait toujours
de lui le plus dévoué de ses vassaux. En même
temps, il suppliait sa belle-mère dobtenir que sa
femme lui fût envoyée, et il mandait à celle-ci de
manifester énergiquement la douleur qu’elle ressentait
de leur séparation.
La Waïzoro Oubdar obéit sincèrement; elle passa
quelques jours dans les larmes; ses nombreuses suivantes
se faisaient remarquer par la négligence de
leur costume et le désordre de leur coiffure, et comme
le Ras se montrait inflexible, elle se fit raser la chevelure
et la lui envoya en signe de deuil. Il lui fit
dire : «c Puisque tu tiens tant a ce mari, que tu as
enivré de l’honneur de notre alliance, laisse-lui du
moins le temps de reprendre sa raison. »
Cependant, le Dedjadj Guoscho ne pouvait paraître
ignorer la nature des rapports de Birro avec le Ras,
leur suzerain commun. En annonçant à celui-ci son
heureux retour en Gojam, il lui fit hommage de
quatre bons chevaux pris aux Gallas. Le Ras se montra
très - satisfait de ce présent et il lui envoya en « retour une belle carabine, mais sans même mentionner
le nom de Birro. Ce silence, son refus de
laisser partir sa soeur, la façon persistante et exceptionnelle
dont il boudait, disait-on, sa mère, ses
conférences répétées avec ses principaux vassaux musulmans,
connus pour le pousser à amoindrir la position
de là Waïzoro Manann, afin de prendre eux-
mêmes en mains la direction des affaires, tout faisait
craindre que le parti musulman à Dabra Tabor
ne reprît le dessus, ce qui ne pouvait manquer de
provoquer une rupture avec le Dedjadj Guoscho, en
qui se personnifiait le parti chrétien.
Le Ras était alors sous le coup de graves complications
politiques. Loin de pouvoir exercer sa suzeraineté
sur le Dedjadj Oubié, il en était réduit à
compter avec lui de puissance à puissance. Le Dedjazmatch
qu’il avait nommé en Idjou, en remplacement
de Birro Aligaz, ne parvenait pas à se faire accepter
par le pays, qui était attaché à son ancien gouverneur.
Son fidèle et utile vassal, le Dedjadj Conefo,
venait de mourir, laissant une armée nombreuse dévouée
à la fortune de ses fils dont la fidélité lui
paraissait d’autant plus suspecte que le Dedjadj Oubié
et le Dedjadj Guoscho l’engageaient à les confirmer
dans le pouvoir de leur père. L’Éthiopie - était privée
depuis plusieurs années de l’Aboune ou Primat, espèce
de Légat envoyé par le siège de Saint-Marc d’Alexandrie,
chef de tout le clergé, et qui seul a puissance
i. 26