sont assez hautes, ils n’y sont guère plus abrités que
s’ils étaient dehors.
Lorsque l’église jouit du droit d’asile, celui qui
veut invoquer ce droit s’empresse, en arrivant sous
le porche, de sonner la cloche : il déclare à haute
voix et par trois fois son intention de prendre refuge;
dès ce moment sa personne est inviolable. Le
porche se nomme en amarigna : porte du salut.
Si les réfugiés sont nombreux, ils dressent des
tentes ou des huttes dans le cimetière. C’est parfois
un spectacle curieux qu’un millier d’hommes et plus
campés de la sorte, les chevaux broutant l’herbe des
tombes ; des selles, des boucliers suspendus aux branches
des arbres, des harnais, des housses, des armes
de tous côtés; des femmes préparant la nourriture
au milieu des agaceries des soldats; plus loin, des
chefs, la figure mi-couverte de leur toge, causant avec
anxiété des événements du dehors; des blessés couchés
sur des herbes sèches'et entourés de leurs amis; ailleurs,
des compagnons absorbés dans une partie d’échecs
; d’aütres occupés à fourbir leurs armes, à réparer
leurs vêtements; des pages déguenillés courant de tous
côtés, provoquant le rire par leurs espiègleries, ou
fuyant devant les imprécations de quelque cuisinière
a qui ils ont voulu clérober des provisions; enfin toute
unepopulation.se livrant activement aux occupations
et aux gaietés de la vie, au-dessus d’une autre population
endormie dans la mort.
La jolie église de Notre-Dame où nous conduisit le
Lik Atskou, est attenante à l’enceinte du Palais-Impérial
à Gondar; par exception elle est bâtie à la chaux.
Malgré son style éthiopien, ses matériaux, la juste proportion
de ses parties, indiquent qu’elle est l’oeuvre
d’ouvriers expérimentés. Ou dit qu’un empereur la fit
bâtir par des ouvriers portugais et l’enrichit d’ornements
en profusion telle, qu’on lui donna le nom, resté
populaire, de Maison de soie. Sa splendeur a disparu
depuis la chute de l’empire; on y voit encore, parfaitement
conservées, les peintures de l’intérieur, représentant
tous les épisodes de la guerre parricide que Rou-
goum(maudit) Tékla-Haïmanote fit àson pèreYassous-
le -Grand, qu’il fit tuer par un de ses oncles d’un coup
de carabine, dans une îte du lac Tsana, on y voit aussi
la mort de ce parricide, assassiné à la chasse peu
après être monté sur le trône. Le quartier voisin composant
la paroisse’ est presque entièrement détruit. Son
cimetière ombreux et recouvert d’une herbe vivace qui
dissimulait les tertres effondrés des tombes, attirait des
oiseaux en grand nombre; leur gazouillement incessant
et le roucoulement des tourterelles étaient les seuls
bruits qu’on y entendît. Le palais délabré, vide et silencieux,
debout au milieu de ses cours désertes, semblait
étendre sur cette église son ombre mélancolique; aussi
la foule portait-elle ses dévotions dans des lieux plus
souriants. Les offices s’y célébraient à petit bruit, et
l’on n’y voyait que de rares fidèles, la figure emaciee de
.quelque timide anachorète de passage, ou bien à demi
caché derrière un arbre quelque soldat, la tête basse et
la pose affaissée, s’humiliant devant Dieu.
En sortant de cette église, je fus accosté par une
femme reconnaissable à son costume pour une servante
de bonne maison. Elle me dit que sa maîtresse
était dans la peine, et que, sachant que j’avais mes
entrées auprès du Dedjadj Birro, de qui dépendait
son sort, elle me demandait quand je pourrais la
recevoir et prendre connaissance de sa situation,
et, comme j’hésitais, elle ajouta que sa dame était
la Waïzoro Bir-Waha; (eau d’argent), fille dü Ded