la famille ne répare qu’imparfaitement les atteintes
que de telles péripéties ont portées à son esprit.
Dans les contrées deugas, au contraire, toutes salubres,
la fertilité est bien moindre, il est vrai, mais elle
est continue ; les sauterelles et les épizooties ne les envahissent
qu’à de longs intervalles; la richesse s’accroît
lentement, mais sa durée sauvegarde le calme
de la famille et la transmission inaltérée de son ,
esprit.
La portion la plus considérable, peut-être, de la
nation éthiopienne habite ces contrées d’altitude
intermédiaire nommées Waïna-Deugas. Est-ce parce
que, ordinairement, les teripes moyens l’emportent, et
que les moyennes sont à la fois les causes et le résultat
des civilisations ? Le fait est que presque toutes les villes
sont établies sur les Waïna-Deugas,' et que les populations
passent pour y être les plus civilisées, Leur climat,
leurs productions agricoles, leur flore et leur
faune tiennent en partie du koualla et en partie du
deuga. Les habitants de ces dernières contrées ne
s’adonnent qu’à l’agriculture, à la guerre, à la
chasse ou à l’élève des troupeaux. Les natifs des
Waïna-Deugas s’adonnent de préférence aux métiers,
aux industries et au commerce ; ils sont peu enclins
à la vie militaire, et professent du dédain pour la
condition du laboureur. Les musiciens, les trafiquants,
les avocats, les histrions, les bouffons, les
délateurs de profession, les usuriers, les professeurs
de grammaire et de controverse religieuse,
sont en général natifs des Waïna-Deugas; c’est là que
la langue est parléé avec le plus de pureté; mais
les professeurs d’histoire, de droit et de théologie,
viennent des kouallas et surtout des deugas. Les,ha-'
bitants des Waïna-Deugas sont avenants mais peu
hospitaliers , sceptiques , inconstants, paresseux ,
moins irascibles, moins dévoués à leurs croyances,
à leurs opinions ou à un parti politique, moins respectueux
envers l’autorité paternelle que les habitants
du deuga ou du koualla; ils sont efféminés, enclins
aux factions, très - rarement rebelles et observant
plutôt les pratiques extérieures de la religion que
ses préceptes fondamentaux. Les chefs et les grandes
familles ne négligent rien pour flatter ces populations
intermédiaires, mais comptent peu sur leur
dévouement; ils regardent le.Waïna-Deuga comme
la proie la plus belle, le koualla ou le deuga, comme
.la base la plus sûre de leur puissance. Dans les
contrées Waïna-Deugas, la richesse consiste principalement
en argent et en biens-meubles ; l’affluence
des produits des kouallas et des deugas y maintient
une abondance presque toujours égale, malgré les
exactions des hommes de guerre attirés par les ressources
et les plaisirs qu’offrent les villes. Les Éthiopiens
sont remarquables par leur curiosité, leur
esprit critique et leur connaissance des lois. Les habitants
des Waïna-Deugas, plus curieux et plus
frondeurs que les autres, sont aussi plus au courant
des ressources de la loi et plus enclins à y faire appel.
Leur moralité est aussi de beaucoup la plus relâchée.
Tous sont très-sensibles à la prosodie, au
beau langage et à la poésie ; ils admirent, avant tout,
l’homme brave, intrépide et l’homme vraiment religieux;
mais le plus sûr moyen de les intéresser et
de gagner leur coeur, est de parler avec esprit et
élégance. Malgré cette disposition, ils ont compris
sous un seul nom appellatif les trouvères, les musiciens,
les chanteurs, les bouffons, les grotesques,
les mimes, les danseurs de chica ou de vaudoux,