tant par sa forme et sa matière que par la manière dont elle est
portée. Les représentations plastiques de la pcenula me donnent
à croire que sous la République ce manteau n’était autre que
celui qu’on retrouve en Ethiopie, c’est-à-dire une pièce d’étoffe
rectangulaire facile à disposer comme nous la représentent les
statues et les bas-reliefs romains ; ou bien un stragulum ou
pièce de cuir ou de peau rectangulaire, que les Éthiopiens emploient
habituellement comme. tapis pouf dormir et dont ils
font souvent un manteau pendant les pluies d’hiver. Lorsque
l’étoffe est trop restreinte pour que l’on puisse en arrêter la disposition
dans la forme de la pcenula, ils y obviennent au moyen
d’une épine ou d’un lacet volant. Il est très-possible que vers la
fin de la république romaine, ce vêtement soit devenu un vestimen-
tum clausum ou vêtement de forme précise ; diverses autres parties
du costume romain subissaient déjà le régime du ciseau et de
l’aiguille. La locution scindere poenulam, employée par Cicéron et
d’autres auteurs, scinder, diviser la poenula, pour signifier insister
auprès d’un voyageur pour qu’il reste chez vous, veut dire
transformer la poenula en toge, et s’explique par cette considération
que jusqu’à cette époque, beaucoup A’amictus ou vêtements
de dessus, consistaient en pièces d’étoffe rectangulaires qu’on
pliait de différentes façons et qu’on fixait au corps au moyen de
broches ou d’attaches rudimentaires, ne constituant point des
formes irrévocables. Le piéton éthiopien en voyage ajustera sa
toge non-seulement en poenula, mais en cklamis, en diploïs ou en
autre forme propre à lui laisser la commodité de ses mouvements.
Si les dimensions de sa toge rendent telle ou telle disposition peu
stable et qu’il ait quelque raison d’y tenir, tout en marchant, il la
ramènera à la disposition voulue, il ne lui viendra pas à l’idée pour
maintenir son vêtement de le faufiler, soit effet de son habitude de
le maîtriser sans cela, soit paree que l’étoffe en est telle que les
points laisseraient leur trace quand il voudrait s’en servir comme
de toge. Si sa toge est en laine, par la raison que ce tissu est moins
adhérent et que la trame ne conserve presque pas les traces d’une
décousure, comme il n’a point de broche, il choisit une épine
dans un buisson voisin; il fait deux trous dans l’étoffe et y passe
un lacet que le soir, en «arrivant à sa couchée, il retirera pour déployer
sa toge et s’en envelopper pour dormir.
Les Ethiopiens fabriquent un vêtement grossier en laine bège,
d’une seule pièce souvent, toujours rectangulaire et moins ample
que la toge ordinaire. Les cavaliers aisés le mettent par dessus leur
toge pendant les campagnes d’hiver, rappelant alors le lacema des
chevaliers romains; les soldats auxiliaires pauvres le portent au
lieu de toge et se drapent de façon à représenter exactement le
sagum ou sayon du licteur romain, ou Yabolla des militaires et
des philosophes stoïciens; parfois ils le fixent à l’épaule au moyen
d’une épine ou d’un lacet, tel qu’on le voit sur les épaules des
Sarmates de la colonne Trajane. Comme dans l’antiquité grecque
et romaine, ce vêtement remplace la toge pour le paysan, et
sert également à tous dans les moments de grande affliction, de
deuil, de grave désordre civil ou d’invasion à main armée. 6e
vêtement, un peu plus ample, me paraît être le même que la
toga pulla fait en laine noire bège, vêtement de deuil des Romains,
porté par les artisans, les hommes des basses classes, et qui est
appliqué aux mêmes usages par les Éthiopiens.
Les Éthiopiens rappellent à chaque instant par l’usage qu’ils
font de la toge les costumes et les moeurs des Étrusques, des
Grecs et des Romains; souvent même leurs locutions sont semblables
aux locutions latines : celle de brachium veste continere,
par exemple, adoptée par les traducteurs comme indiquant une
certaine façon des orateurs antiques de se draper, rend exactement
celle qui désigne en Ethiopie la façon dont les professeurs
se drapent souvent lorsqu’ils enseignent la théologie, ou celle des
orateurs en présence de leurs pairs. Ceux qui parlent devant les
supérieurs ou devant les juges ajustent leurs toges d’une façon
différente, semblable à celle que les antiquaires désignent sous le
nom de cinctus gabinus et qui est représentée dans le Virgile du
Vatican. De même des expressions sinus laxus, sinus brevis, expa-
pillatus, pour celui dont la mamelle est découverte, et des épithètes
cinctus, proecinctus et succinctus, pour indiquer un homme actif,
éveillé, sur ses gardes ou diligent : les adjectifs éthiopiens étant
dans les mêmes rapports avec leurs racines que les adjectifs latins.
J’ai entendu maintes fois en éthiopien une expression presque
identique à celle de Macrobe relativement à César : Ut trahendo la-
cinium velut mollis incederet, etc. ; ainsi qu’à celle-ci : Cave tibi ilium
puerum maie proecinctum, dont Scylla se servait au sujet de Pompée.
L’empereur Caïus, dit Suétone, transporté de jalousie par les applaudissements
qu’on donnait à un gladiateur, sortit du théâtre en
si grand’hâte, ut calcata lacinia togoe proeceps per gradus iret ; j’ai vu
maintes fois des Éthiopiens, bouleversés par quelque émotion, se
comporter de façon à se rendre applicable la description de l’auteur
latin. Avant de se précipiter sur Tib. Gracchus, Scipion Nasica s’enveloppa
le bras gauche d’un pan de sa toge, en guise de bouclier;
Alcibiade mourut en combattant et en se servant, en guise de bouclier,
de sa toge enroulée sur le bras gauche ; l’Éthiopien agit de
même lorsqu’il manque de'bouclier; et comme le rapporte Xéno