assistât à la délibération, mais il ne put le déterminer
à redescendre à terre. J’allai voir Saber ; il m’apprit
que ma conduite de la veille avait trouvé de
chauds partisans, mais que mes adversaires avaient
encore la majorité. J’écrivis quelques mots au crayon
pour rassurer mon “frère, et Saber se chargea de les
lui faire remettre.
Vers neuf heures du matin, le Sultan traîna hors
de sa maison deux vieilles timbales ; il s’accroupit et
leur infligea énergiquement une batterie rapide :
c’était, à ce qu’il paraît, la façon reçue de convoquer
dans les grandes occasions le ban et l’arrière-ban de
son parlement.
Quant à moi, je repris ma place d’observation à
la lucarne de la maisonnette. Les habitants affluèrent
en nombre plus que double de la veille et ils s’accroupirent
en cercle. Le Sultan se leva pour ouvrir la
séance par un petit discours qu’il prononça d’un air
penaud. Les orateurs se succédaient, et j’en étais à
souhaiter què les débats durassent assez longtemps
pour émousser l’énergie de l’assemblée, lorsqu’un
homme vint me dire qu’une voile paraissait à l’entrée
de la baie, et qu’à sa grandeur on la croyait européenne.
Il me demanda si quelque bâtiment de guerre
français devait venir. Je lui répondis que je ne savais
rien de certain à cet égard, mais, comme je l’avais dit
la veille au Sultan, que l’on s’attendait à voir dans
la mer Rouge une frégate française. Depuis quelque
temps on disait en effet qu’une frégate française devait
arriver dans ces parages, bruit qui s’est trouvé
confirmé par l’apparition éventuelle de bâtiments détachés
de la station française de -la mer des Indes.
La façon évasive et sans arrière-pensée apparente
dont j’en avais parlé donna à ce bruit une créance
d’autant plus grande que l’appui d’un bâtiment de
guerre français pouvait seul, aux yeux des indigènes,
expliquer mon obstination à. vouloir rester dans
le pays.
A mesure que le bâtiment approchait, sa haute
mâture couverte de toilé jeta de l’indécision parmi les
parlementeurs, qui bientôt levèrent la séance. Le
Sultan remisa ses timbales dans sa maison et courut
au bord de la mer, où toute la population était
attentive. Il allait et venait de la maisonnette à la
plage. — Mon frère, me dit-il enfin, le corps du bâtiment
domine déjà l’horizon ; viens voir. Je l’accompagnai
sur la plage. Là, il me confia que le rôle qu’on lui avait
imposé lui pesait; que grâce à la venue d’un bâtiment
français, il allait reprendre son indépendance; qu’il
avait toujours eu de la sympathie pour moi, et pour
me le prouver, il m’offrit de me donner sur l’heure
une maison.
Je profitai de ce revirement; j’envoyai prendre à
bord le secrétaire de mon frère, et notre débarquement
commença. Le vieux Saber, tout ragaillardi,
pérorait au milieu d’un groupe. La maison qui me fut
donnée se trouvant trop petite, le Sultan fit évacuer
la maison voisine. Mon frère était encore souffrant, je
le conduisis à notre nouvelle demeure et il y était
à peine installé, notre dernier colis venait d’être
mis en place, que le brick de guerre, arrivé à trois
encablures de terre, fit ronfler la chaîne de son
„ ancre, et comme jusque là il n’avait arboré qu’une
flamme, il hissa son pavillon qu’il appuya d’un
coup de canon. Le pavillon était aux couleurs britanniques.
La stupeur fut générale. Le Sultan dit en arabe :