jugeait au civil tous les musulmans du quartier dit
Salamgué; quant au criminel, il instruisait les causes
et renvoyait en cour du Ras. Il connaissait également
des causes commerciales entre chrétiens et musulmans,
et de tous les délits contre la douane. Ce fonctionnaire
| ordinairement musulman, était nommé
pour trois ans par le Ras, auquel il payait une ferme
en échange de la perception des droits de douane.
La ville avait aussi un Gouverneur qui prenait le
titre spécial de Kantiba : il était nommé chaque année
par le Ras, et était chargé de la police de toute la
ville, de la direction des marchés et de la perception
de certains impôts ; il recrutait pour ce service une
troupe dont le chiffre variait de soixante à trois cents
lances.
Gondar, un des centres commerciaux les plus importants,
est également un centre d’industrie. La simplicité
des besoins des Éthiopiens ne rend nécessaire
qu’un nombre restreint de métiers : des tisserands,
tous musulmans, des corroyeurs, des maroquiniers,
des lof mi ers, des forgerons et des fabricants de javelines,
de sabres et de couteaux; des selliers, des san-
daliers, des relieurs, des clercs, copistes et apprêteurs
de diphthère ou parchemin grossier; des gaîniers, et
tous ceux qui cousent le cuir; des orfèvres, des fondeurs
et ouvriers en cuivre; ceux qui brodent les pre-
tintailles pour les selles des mules ou les amulettes
que portent les femmes, les hommes et les chevaux,
comme* aussi ceux qui brodent en soie de couleur les
stoles ou longues chemises des femmes, leurs burnous
et ceux des .prêtres; des fabricants de boucliers, des
charpentiers, des tourneurs, ceux qui mettent en bois
les carabines, ceux qui façonnent les cornes à boire,
les femmes qui confectionnent des ustensiles de vannerie
faite en paille et celles qui font du bouza, de l’hydromel
et de lfeau-de-vie pour la vente de détail. La
poterie est faite par les femmes féluchas ou juives, et
leurs maris maçonnent en bousillage; ces sectaires sont
’ établis dans les villages aux environs de la ville. L’industrie
de potier est partout frappée d’infamie, ainsi
que celle de tisserand, de corroyeur et d’ouvrier en
fer. Tous ces ouvriers travaillent chacun pour leur
compte, mais avec mesure. Lorsque le désir de voyager
les prend, ils vont s’établir dans d’autres villes ou se
laissent embaucher par les seigneurs ou les princes^et
font quelquefois le tour de l’Éthiopie à la suite des armées.
Le clergé de Gondar fournit toujours quelque célèbre
professeur de grammaire, de droit ou de théologie,
qui attire les étudiants de provinces éloignées. Ces
étudiants se partagent en deux classes : l’une d’hommes
de tout âge se destinant à la vie monastique; l’autre,
plus nombreuse, composée de jeunes gens aspirant
à la prêtrise ou à la cléricature. Ils manifestent
envers leurs professeurs cet attachement profond, qui
existait dans l’antiquité et le moyen-âge entre les maîtres
et leurs élèves ou disciples. Il est touchant de voir
les soins pieux dont ils entourent leurs professeurs,
qu’ils choisissent librement; l’émulation qu’ils mettent
à les servir en toutes choses, et l’on ne peut s’empêcher
de regretter que ce culte filial, qui n’est que la reconnaissance
envers ceux qui se consacrent à nous enseigner
à penser, à croire, à vivre enfin, se soit refroidi
parmi nous. Beaucoup de ces étudiants mendient leur
subsistance, fabriquent des parasols en roseau et en
coeur de jonc, ou bien se louent une partie de la journée
pour divers services. Des anachorètes, désireux de
s’édifier sur quelque point de dogme, viennent se ré