parti de, toutes les poitrines, sembla confondre le ciel
et la terre : .c’étaient les deux armées qui s’entrechoquaient/
Tout d’abord, un flottement se manifesta dans
notre centre, à droite ; le Prince s’y précipita, contint
le fléchissement et poussa vigoureusement le
deuxième corps dans la mêlée. Je me trouvai dans
le centre ennemi que commandait. le Lidj lima. Sa
mine distinguée, sa jeunesse, son bouclier rutilant
de.vermeil le faisaient reconnaître ; il avait l’air attéré
et comme déjà frappé de défaite. Je lui criai : Aïzo!
espèce d’encouragement et d’aman que les soldats
donnent pendant le combat pour rassurer un vaincu,
et il me regardait avec stupeur, lorsqu’un de nos
cavaliers lui cria en se précipitant sur lui : € Qu’il
» se rende ! qu’il se rende ! » Et le jeune prince se découvrit
en renversant son bouclier, indiquant ainsi
qu’il se rendait.
Le centre ennemi se débattit encore, mais se
morcela devant les nôtres.I A notre aile droite, un
instant enveloppée, l’infanterie compacte de Birro se
maintenait solidement, et Birro lui-même, à la tète
de ses cavaliers, prenait l’ennemi en flanc e t . le
refoulait. Notre gdle gauche rompue cédait à une
charge impétueuse exécutée par un millier enyiron
de cavaliers ; mais ceux-ci voyant que le centre de
leur propre armée ne tenait plus, tournèrent bride et
s’enfuirent en culbutant les rangs de leur infanterie.
On se bataillait encore par ci, par là, mais
notre victoire était désormais assurée. Les fuyards tâchaient
de regagner les hauteurs d’où ils étaient descendus
en ordre si imposant, et «nos cavaliers commençaient
la poursuite. Je pense qu’au centre, la
mêlée n’avait pas duré plus de dix minutes.
Je "retrouvai le Dedjazmatch ; son escorte n’était
plus que de huit cavaliers: tout le reste s’était dispersé
pour courir après le butin et les fuyards. Le. Prince
allait au pas ; son cheval était pantelant. Quant à
lui, la javeline .sur l’épaule et le maintien toujours
calma et haut, il arrêtait le s . violences désormais
inutiles de ses soldats vainqueurs.
— Déjà fini? lui dis-je-’ Monseigneur est le bien
venu à son succès 1
A# cette formulé consacrée, il répondit solon
l’usage :
— Amen; c’est par ton Dieu!
Il venait de croiser le Lidj .lima qu’on emmenait
prisonnier, et il lui avait donné l’aman, assurance
qui prenait une autre valeur dans sa bouche que dans
la mienne. Nous trouvâmes un détachement ennemi
d’environ cent trente rondeliers qui se rendirent
prisonniers au Dedjazmatch, et un de nos cavaliers
fut détaché pour les. escorter jusqu’au camp. Plus
loin, un homme à cheveux blancs, sans armes et
courant effaré, vint s’incliner devant le Prince- qui,
reconnaissant en lui le Chalaka Tedjaubasse, un des
chefs les plus importants de la maison de Conefo,
le rassura par la formule d’usage: « Heureusement,
Dieu t’a sauvé, mon frère!» Quelques années auparavant,
le Dedjazmatch, réfugié à la cour, du
Dedjadj Conefo, avait contracté des obligations-
envers ce Chalaka, qui, avant la bataille, avait un
instant laissé espérer à Birro qu’il se joindrait
ù. lui.—
Que Monseigneur me protège à cette heure,
dit-il, car je dois avoir bien des ennemis. « Aizo !
lui dit le Prince; tiens-toi auprès de nous jusqu’au
1 camp. »